Médecins Sans Frontières répond à la crise alimentaire croissante dans le monde entier
Au cours des deux dernières années, nos équipes ont observé une augmentation inquiétante du nombre de patients souffrant de malnutrition, aussi bien dans nos centres nutrionnels thérapeutiques que dans nos cliniques mobiles.
Cette constatation touche particulièrement les pays du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso, le Nigeria, le Tchad, le Sud-Soudan, la Somalie et l'Éthiopie. La situation alimentaire de ces populations s'est fortement détériorée. Des pays comme Madagascar, le Yémen ou l'Afghanistan sont également confrontés à de graves pénuries alimentaires. De plus en plus de peuples traversent une véritable crise alimentaire, conduisant nos équipes à intervenir dans le monde entier.
Malnutrition : des chiffres inquiétants dans le monde
La malnutrition a toujours fait l'objet d'une attention particulière de notre part et ce, à travers le monde. Malheureusement, le nombre d'enfants souffrant de malnutrition ne cesse d’augmenter chaque jour.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, environ 828 millions de personnes dans le monde souffrent d'une forme de malnutrition. En 2018, avant l'épidémie de COVID-19, ce chiffre était d'environ 600 millions.
Au Sahel, la croissance est particulièrement effrayante. Alors qu'en 2019, 12 millions de personnes souffraient de malnutrition, elles sont plus de 38 millions aujourd’hui, en 2022. Autrement dit, dans cette région, la malnutrition a triplé en trois ans.
Qu'est-ce que la malnutrition exactement ? Et quand parle-t-on de famine ?
La malnutrition (ou une alimentation trop peu diversifiée) est particulièrement dangereuse pour les jeunes enfants. Elle affecte le système immunitaire, rendant le patient plus vulnérable à toutes sortes de maladies. Combinée avec la rougeole, le paludisme ou la diarrhée sévère, la malnutrition peut s’avérer mortelle. Nos équipes sur le terrain traitent à la fois les enfants souffrant de malnutrition modérée et sévère. Les patients dans un état critique sont admis dans nos centres nutritionnels pédiatriques ou dans nos unités de soins intensifs.
La famine est un terme contrôlé (sociopolitiquement) que nous ne prenons pas à la légère, en tant qu'organisation humanitaire médicale. Il existe en effet une norme internationale pour mesurer la malnutrition : l'IPC (Integrated Food Security Phase Classification). On ne peut parler de famine que lorsque la dernière et cinquième phase a été atteinte. La phase 5 signifie qu’il y a un manque total d'accès à la nourriture et aux autres besoins de base. En cas de famine, au moins 2 personnes sur 10 000 meurent de faim ou de maladie. Plus d'un tiers de la population souffre de malnutrition aiguë tandis que les aides manquent terriblement.
Pénuries alimentaires majeures : comment en est-on arrivé là ?
Les causes de la crise alimentaire actuelle sont nombreuses et varient d'un pays à l’autre. Néanmoins, nous pouvons distinguer plusieurs facteurs importants :
les conflits
le COVID-19
le climat
Ces éléments constituent les fameux trois C. Si les conflits et le COVID-19 ont principalement eu un impact sur l'insécurité, l'incertitude économique et le pouvoir d'achat de la population, le changement climatique a indubitablement provoqué, entre autres, de mauvaises récoltes. La hausse des prix des denrées alimentaires et la diminution de l'aide alimentaire internationale viennent compléter ce triste tableau. De nombreuses personnes ne peuvent tout simplement plus acheter assez de nourriture ni même la produire elles-mêmes.
Changement climatique et malnutrition
Le changement climatique a de nombreux visages et ses effets semblent affecter principalement les pays du Sud, pour l'instant. Les périodes de sécheresse plus longues, les précipitations imprévisibles et les inondations ont toutes des effets dévastateurs sur la production agricole. Année après année, des récoltes complètes sont inexploitables. Les agriculteurs perdent leurs revenus ou leur approvisionnement en nourriture, les prix des aliments augmentent et les réserves alimentaires s'épuisent progressivement. Des sécheresses extrêmes ont été enregistrées ces dernières années en Afghanistan, à Madagascar et dans la Corne de l'Afrique, tandis que le Sud-Soudan et le Pakistan ont été touchés par des inondations sans précédent. Il est certain que le changement climatique (et la façon dont nous réagirons à celui-ci) sera un facteur déterminant de l'insécurité alimentaire à long terme.
La réponse de Médecins Sans Frontières : quelle aide apporter et où ?
Dans les pays où la malnutrition est répandue, nos équipes ont intégré les soins nutritionnels en plus des soins (pédiatriques) que nous fournissions déjà. Nous procurons cette assistance dans des pays tels que la République centrafricaine, la Sierra Leone, le Yémen, le Mali, l'Irak, le Tchad, la Syrie et l'Éthiopie.
Nous dépistons les signes de malnutrition chez les enfants grâce aux cliniques mobiles.
Nous distribuons des aliments thérapeutiques pour aider les enfants à reprendre des forces.
Nous admettons les enfants souffrant de malnutrition sévère dans nos centres nutritionnels thérapeutiques ou dans nos unités de soins intensifs.
Dans les unités spéciales, nous pouvons isoler les enfants souffrant de malnutrition et de paludisme, de diarrhée ou de rougeole si nécessaire et traiter leurs maladies multiples.
Les enfants (et leurs familles) qui sortent de l'hôpital sont suivis dans le cadre de programmes d'alimentation.
Réagir aux pics de malnutrition
Dans certains pays, ceux où nous observons des pics (récurrents) de malnutrition, nous devons régulièrement prolonger ou ajuster notre aide afin de soutenir le plus grand nombre de patients possible.
Somalie : la sécheresse massive va-t-elle conduire à une famine ?
Selon les Nations Unies, la Somalie est au bord de la famine. Bien que cela n'ait pas encore été annoncé officiellement, plus tard dans l’année, “des signes de famine devraient apparaitre dans le sud du pays, où des dizaines de milliers de personnes meurent à la suite de l'une des pires sécheresses depuis des décennies”.
Dans et autour de Baidoa, l'une des régions les plus touchées, nos équipes travaillent dans 20 cliniques mobiles qui traitent jusqu'à 1 000 enfants chaque semaine ! Un tiers de ces enfants souffrent de malnutrition aiguë.
"Certaines personnes nous disent qu'elles sont confrontées au choix impossible de laisser mourir un enfant pour en sauver un autre", explique Djoen Besselink, coordinateur national, à propos de cette situation dramatique.
À l'hôpital Boost de Lashkar Gah, notre unité de nutrition est le service le plus occupé. Nous travaillons à 180% de notre capacité pour admettre tous les enfants souffrant de malnutrition.
À Herat également, nous nous concentrons sur les enfants souffrant de malnutrition. On y constate surtout une augmentation inquiétante du nombre d'enfants de moins de 6 mois.
Dans la capitale Kaboul, nous avons mis en place deux nouvelles unités de nutrition.
Nous avons agrandi l'unité de nutrition, le service pédiatrique et la salle d'urgence pour accueillir davantage de patients.
5 nouveaux projets d'alimentation devraient service à contrôler la région au sens large.
Nous avons transformé une bibliothèque en unité de nutrition. Une fois pleine elle-aussi, nous l'avons agrandie avec des tentes.
Comment nos équipes soignent-elles les patients souffrant de malnutrition ?
Les patients souffrant de malnutrition modérée sont relativement faciles à traiter. Par le biais de cliniques mobiles, par exemple, nous distribuons du Plumpy Nut, une pâte nutritive à base de cacahuètes, développée en interne. L’idée est de renforcer les enfants afin de diminuer le risque qu’ils contractent des maladies. Beaucoup de nos patients et leurs familles suivent ces programmes d'alimentation. De cette façon, nous évitons de revoir les mêmes patients quelques mois après leur admission. D'ici 2021, nos équipes auront soigné plus de 203 000 enfants souffrant de malnutrition et ce, en dehors des murs d'un hôpital.
Le traitement des patients souffrant de malnutrition sévère est plus complexe. Souvent, ils ont également contracté le paludisme ou la rougeole. Le traitement court ne suffit pas, nous emmenons donc les enfants souffrant de malnutrition sévère dans nos centres nutritionnels thérapeutiques ou dans nos unités de soins intensifs pour une longue période. Ce n'est que lorsque les symptômes de leur(s) autre(s) maladie(s) ont été traités qu'ils peuvent sortir de l'hôpital. Ensuite, nous continuons de les suivre dans le cadre de nos programmes de nutrition. Au total, en 2021, nos équipes ont soigné 82 000 enfants souffrant de malnutrition sévère, que ce soit dans nos centres nutritionnels thérapeutiques ou dans nos unités de soins intensifs.
Ces dernières années, Médecins Sans Frontières s'est davantage concentré sur une approche pédiatrique globale et holistique. Cela signifie que les enfants qui arrivent dans notre service de pédiatrie sont systématiquement soumis à des tests de dépistage de la malnutrition. Les unités spéciales de malnutrition font donc souvent partie de nos services pédiatriques. Dans nos centres nutritionnels thérapeutiques, nous disposons aussi d'unités d'isolement pour les patients atteints de rougeole ou de diarrhée aiguë.