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Gaza : « De nuit comme de jour, ce que nous vivons est effroyable »

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Palestine

Les affrontements entre l’armée israélienne et des factions armées palestiniennes dont le Hamas ont repris à Gaza le 10 mai dernier après des semaines de tensions à Jérusalem-Est, secteur occupé et illégalement annexé par Israël. Entre le 10 et le 18 mai 2021, les raids sur Gaza ont fait 213 morts, dont au moins 61 enfants, et plus de 1400 blessés. Côté israélien, les tirs de roquettes lancés depuis la bande ont fait 12 morts, dont deux enfants.

Aymen Al Djaroucha est palestinien, il vit à Gaza depuis 20 ans. Actuellement coordinateur de projets pour MSF, il témoigne de la violence extrême qui a eu lieu dans l’enclave.

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Des secoureurs et d’autres personnes au milieu des décombres, devant la tour Al-Sharouk qui s'est effondrée après avoir été touchée par une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza. 12 mai 2021. © MOHAMMED ABED / AFP.

"J’ai vécu et traversé les offensives israéliennes, celles de 2008 et de 2014 : l’opération militaire que nous vivons aujourd’hui est beaucoup plus dure et effrayante que ce que nous avons connu jusqu’à présent.

Les bombardements sont permanents, nuit et jour, ils ne s’arrêtent jamais. Tout est ciblé : les routes, les maisons, les immeubles, tout. Gaza fait seulement 40 kilomètres de long, donc peu importe où tombent les bombes, nous entendons sans cesse des explosions. L’intensité des frappes et le degré de violence est sans commune mesure avec ce que nous connaissons. Les tirs viennent de partout : du ciel avec les avions, des chars au sol, des bateaux depuis la mer Méditerranée. De nuit comme de jour, ce que nous vivons est effroyable.

L’immeuble dans lequel j’habitais avec ma femme, ma mère et mes enfants à Gaza city a été endommagé par un bombardement aérien il y a 4 jours. Notre gardien a reçu un appel indiquant qu’il fallait que tous les résidents évacuent le bâtiment parce qu’il allait être bombardé. Généralement, on sait qu’il se passe quelques minutes à une heure avant que la frappe n’ait lieu. Nous avons descendu les huit étages avec tout le monde en dévalant les escaliers, en moins d’une minute. J’ai tenté de les mettre à l’abri le plus loin possible.

Je me souviens entendre ma femme dire qu’elle ne voulait pas voir l’endroit où elle avait grandi, où elle avait tous ses souvenirs, être détruit. Ensuite, j’ai entendu la déflagration, j’ai vu la poussière et les débris de l’immeuble voler, tout a pris feu. Le bâtiment est endommagé, plusieurs appartements ont été détruits et je ne sais pas ce qu’il reste du nôtre, ni si nous pourrons retourner y vivre. Depuis, ma famille vit chez ma belle-mère et je dors au bureau, je travaille la plupart du temps. J’ai l’impression de vivre un cauchemar éveillé.

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Des personnes au milieu des décombres de la tour Al-Sharouk. © MOHAMMED ABED / AFP.

Beaucoup de familles qui vivaient dans l’est de la bande de Gaza ont fui vers l’ouest, craignant une offensive terrestre israélienne. Elles se sont réfugiées vers l’hôpital al-Shifa, le plus grand de Gaza, et dans les écoles de l’UNRWA [l’office des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient].

J’ai été très marqué par une attaque qui a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 mai à quelques mètres seulement du bureau MSF et qui a fait plusieurs dizaines de morts : les cris des hommes et des femmes en pleine nuit, c’était effrayant. Notre clinique a également été endommagée la même nuit dans un bombardement de l’armée israélienne.

Les blessés présentent des fractures ainsi que des plaies à cause des éclats d’obus et des tirs. Il y a des besoins importants en chirurgie, notamment en chirurgie orthopédique, et en soins intensifs. Les patients sont des femmes, des hommes, des enfants : personne n’est épargné.

Les expulsions prévues de familles palestiniennes dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-est, ont mis le feu aux poudres, puis les affrontements sur l’esplanade des mosquées en plein ramadan. J’ai connu la deuxième intifada au début des années 2000, aujourd’hui la violence n’a plus rien à voir, ni l’utilisation massive des armes dans les affrontements. Des centaines de roquettes sont tirées vers Israël et Gaza est pilonnée.

C’est le destin des Gazaouis. En seulement quelques années, nous avons vécu des guerres, nous ne savons pas quand tout ça va s’arrêter, quand nous pourrons enfin vivre une vie normale."