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Violences et déplacements à Ippy, miroir d’une réalité quotidienne en RCA

Loin de l’attention médiatique internationale, la violence armée continue de faire rage dans de nombreuses localités de la République centrafricaine (RCA), poussant à la fuite des communautés entières confrontées à la mort et à la détresse.

Mariam (midden) in haar schuilplaats in het ontheemdenkamp van Foulbé.
Mariam (au centre) dans son abri au camp de déplacés de Foulbé. Mariam a donné naissance à son fils Isyaka lorsqu'elle a fui son village, situé à quelque 30 km du site. © Seigneur Yves Wilikoesse, 23 mars 2022.  

Nouvelles batailles à Ippy

Début 2022, la sous-préfecture d’Ippy a été le théâtre de nouveaux affrontements entre les groupes rebelles et les troupes gouvernementales soutenues par des forces alliées.

Fuyant les violences, des milliers de personnes ont quitté les villages de la région pour rejoindre la ville d’Ippy et les sites de déplacés qui y ont vu le jour au cours des mois et années précédentes.

Beaucoup de gens n'atteignent pas leur objectif

« Quand la violence a débuté, nous avons fui vers le village voisin mais il a aussi été attaqué et mes 3 fils ont été tués », explique Jeremy, qui a rejoint avec sa femme et ses enfants le site de déplacés de Yetomane, à une quarantaine de kilomètres de chez lui. « Nous les avons enterrés dans une fosse commune et avons repris la route. Depuis, je n’arrive plus à dormir. »

Olga et Jean-Claude ont quant à eux parcouru près de 140 kilomètres avec leurs 6 enfants pour arriver sur le site de déplacés de Bogouyo. « Nous avons marché une semaine, avec des vieillards, des enfants, des personnes malades », expliquent-ils. « Certains sont morts en cours de route et on a dû abandonner leur corps dans la brousse, sans pouvoir les enterrer. On les a seulement recouverts d’herbes, tout cela en présence des enfants. Comment vont-ils oublier de pareilles images ? »

La réponse d’urgence de MSF

En février, MSF a envoyé une équipe à Ippy pour fournir une aide d’urgence aux déplacés comme Olga, Jérémy et Jean-Claude.

« Les besoins essentiels n’étaient pas couverts sur les sites et notre priorité, dans un premier temps, a donc été de limiter le risque de maladies liées à l’hygiène et la qualité de l’eau », explique René Colgo, chef de mission de MSF en RCA. « Dans cette phase d’urgence, nous avons construit 269 latrines, installé des points d’eau et organisé des distributions de savon et de jerricanes. »  

Amélioration de l'accès à l'eau potable

L’installation des points d’eau a permis de faire grimper l’accès à l’eau potable à 15 litres par jour et par personne, alors qu’il n’était que de 1,6 litres à l’arrivée de MSF. Par la suite, d’autres organisations sont arrivées et ont repris en main ces installations, permettant aux équipes MSF de recentrer leur appui sur 2 structures de soins locales.

Een inwoner van het vluchtelingenkamp Bogouyo voor de noodwaterput die Artsen Zonder Grenzen aanlegde
Un résident du camp de déplacés de Bogouyo devant les points d'eau d'urgence construit par MSF. © Seigneur Yves Wilikoesse, 25 mars 2022. 

Nécessité de meilleurs soins

« Des soins de santé de base étaient disponibles pour les déplacés, mais les cas les plus complexes nécessitaient une meilleure prise en charge, notamment pour les enfants et les femmes enceintes, particulièrement à risque », poursuit René Colgo. « Nous avons donc mis des équipes et du matériel à disposition pour renforcer les services pédiatriques et de néonatalogie, la gestion des complications obstétricales, et les références vers ces structures de soins. »

En à peine 2 mois, MSF a soutenu l’hospitalisation de 381 enfants, la majorité d’entre eux pour paludisme grave. Nos équipes ont également pris en charge 31 femmes souffrant de complications obstétricales directes, accompagné vingt accouchements par césarienne et emmené une dizaine de patients vers Bambari pour des soins plus critiques.

Campagne de vaccination pour 29.000 personnes

Début mai, MSF a lancé à Ippy une campagne de vaccination destinée à assurer une protection vaccinale de base (rougeole, polio, fièvre jaune, méningite, tuberculose…) à près de 20.000 enfants de moins de 10 ans, ainsi qu’à 9.000 femmes enceintes. Cette vaccination, qui s’est accompagnée d’une vaccination contre la COVID-19, se poursuivra jusqu’en juillet.

S'engager à améliorer les soins

Aujourd’hui, la situation sécuritaire s’est légèrement calmée dans la sous-préfecture d’Ippy, et les déplacés ont commencé à quitter les sites pour rejoindre leur village ou s’installer en ville. Mais dans une zone marquée par des années d’insécurité chronique et de déplacements, les conditions de vie restent très difficiles et incertaines.

« Les gens quittent les sites, mais les besoins restent massifs dans la zone », avertit René Colgo.  « Bien avant les dernières vagues de déplacés, l’accès aux soins ou à l’eau étaient déjà difficilement assurés, et les derniers événements ont exacerbé cela. Beaucoup sont sans ressources, incapables de se payer des soins ou de la nourriture. Certains sont traumatisés par les violences physiques et sexuelles subies lors de leur périple la fuite, et par les conditions de vie sur les sites. Un soutien continu est clairement requis. »

Pelé Hubert Kotho-Gawe, medisch referent van Artsen Zonder Grenzen in Ippy, is aanwezig bij de start van de inentingscampagne in Ippy
Pelé Hubert Kotho-Gawe, référent médical de MSF à Ippy, assiste au lancement de la campagne de vaccination. © Khatab Muhy, 4 mai 2022. 

Sentiment de désespoir et d'incertitude

« Nous sommes des éleveurs, mais nous avons perdu toutes nos bêtes lors de la fuite », explique André, qui vit avec les siens sur le site de Foulbé. « Ici, nous ne pouvons pas cultiver car, partout où l’on va, quelqu’un vient te dire que tu es sur sa terre et que tu dois partir. Il est même difficile d’aller chercher du bois ou de cueillir des feuilles. Qu’allons-nous devenir ? »

Ce sentiment de désespoir et d’incertitude, Olga et Jean-Claude l’expriment également. « L’avenir ? Comment parler de l’avenir quand je ne sais même pas si je vais manger aujourd’hui », explique Jean-Claude. « Notre avenir est très flou. On espère juste pouvoir regagner notre village un jour et reprendre la vie à zéro. ». Olga est bien plus pessimiste à ce sujet. Pas question pour elle de repartir. « Il n’y a plus rien là-bas, on y vit dans la peur de se faire attaquer ou de tomber malade. Au village, le centre de santé le plus proche se trouve à plus de 25 km. Mes enfants n’ont jamais été vaccinés, et je ne sais même pas si l’un des enfants du village l’a été un jour. Non, vraiment, je ne me vois pas rentrer au village. »

Une situation similaire dans bien d’autres localités

La situation à Ippy reflète malheureusement celle de bien d’autres localités en RCA, où des décennies de violence chronique ont alimenté l’une des situations humanitaires les plus critiques au monde en termes d’espérance de vie, de mortalité maternelle, de malnutrition et d’accès aux soins. Selon les derniers chiffres de l’ONU, près de 30% de la population est aujourd’hui réfugiée ou déplacée à l’intérieur des frontières, et plus de 60% a besoin d’une assistance humanitaire en RCA.