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Soudan du Sud : aider les enfants soldats démobilisés de Yambio à accepter leur passé

Dans le comté de Yambio, au Soudan du Sud, la démobilisation d'enfants soldats qui ont été contraints de combattre pendant la longue guerre civile du pays est en cours. Ces enfants aimeraient retourner à leur ancienne vie, mais certains sont aux prises avec tout ce qu’ils ont vécu. Médecins Sans Frontières dirige un programme de soutien psychologique pour les aider à accepter leurs expériences lors de leur réinsertion dans la communauté.

MSF se trouve sur plusieurs sites dans et autour des villages de la ville de Yambio où l’équipe mobile se rend régulièrement. Les anciens enfants soldats et la communauté peuvent y avoir accès à un traitement médical. Dans le même temps, les enfants peuvent rencontrer les équipes de santé mentale pour des consultations. © Philippe Carr, août 2018
MSF se trouve sur plusieurs sites dans et autour des villages de la ville de Yambio où l’équipe mobile se rend régulièrement. Les anciens enfants soldats et la communauté peuvent y avoir accès à un traitement médical. Dans le même temps, les enfants peuvent rencontrer les équipes de santé mentale pour des consultations. © Philippe Carr, août 2018

Le conflit civil au Soudan du Sud a connu de nombreuses pages sombres, mais l'une des pires est le recrutement forcé d'enfants dans les rangs de groupes armés rivaux. Ces jeunes combattants, qui suivaient souvent les ordres sans comprendre l'impact de leurs actions, étaient très prisés par leurs commandants adultes.

Les anciens enfants soldats sont souvent traumatisés : séparés de leur famille et contraints de mener une vie brutale de violence et de travail forcé. Dans certains cas, les enfants ont été battus et abusés sexuellement. Les horreurs que beaucoup ont vues au combat semblent impossibles à oublier.

soutien psychologique et Réinsertion

Mais, au cours des six derniers mois, un groupe d'organisations gouvernementales et non gouvernementales, dont MSF, a travaillé à la réinsertion de ces enfants dans leurs communautés. Les psychologues et les conseillers de MSF ont joué un rôle clé en fournissant des soins de santé mentale aux enfants. Au total, 632 enfants ont été inscrits au programme de démobilisation, différents groupes ayant obtenu leur diplôme tout au long de l’année.

« Il est important de comprendre que les enfants n'ont pas tous besoin d’un soutien psychologique », explique Rayan Fattouch, le responsable des activités de santé mentale de MSF à Yambio. « L’esprit humain est résilient et a une façon de faire face aux problèmes qui lui est propre. Cependant, certains enfants présentent des symptômes de stress post-traumatique ou ont des flashbacks, ce qui peut conduire à l'anxiété et la dépression. »

Un Avenir incertain

Ces émotions fortes ne concernent pas seulement leurs expériences en tant que soldats. Beaucoup craignent un avenir incertain. Ils ont peur de la manière dont ils seront acceptés par leurs communautés et de ce qui leur arrivera.

La démobilisation peut être une situation compliquée. D'anciens enfants soldats réalisent que, pendant leurs années de captivité, la vie a continué et le monde qu'ils ont connu a changé. Dans certains cas, les familles ont été forcées de déménager et ne peuvent être retrouvées. Dans d'autres, certains membres de la famille sont peut-être morts. Ces types de prise de conscience peuvent avoir une incidence négative durable.

Les membres de la communauté attendent patiemment de voir l'un des membres du personnel médical de MSF à Yambio. Compte tenu du peu d’investissement dans les soins de santé, cela constitue une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles. © Philippe Carr, août 2018
Les membres de la communauté attendent patiemment de voir l'un des membres du personnel médical de MSF à Yambio. Compte tenu du peu d’investissement dans les soins de santé, cela constitue une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles. © Philippe Carr, août 2018

communautés

Certains enfants soldats ne sont pas toujours accueillis à bras ouverts. Les anciennes communautés ont souvent peur d’accepter le retour d’anciens enfants soldats. Au cours des années passées à combattre, certains groupes armés ont utilisé les enfants pour piller les provisions des civils. Les groupes armés ont extorqué de l'argent à ces communautés en échange d’une protection et ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas payer risquaient parfois de violents affrontements. Une partie du processus de réintégration consiste à aider les communautés à comprendre la situation des enfants en captivité armée et à prendre le temps d'examiner leurs propres expériences pendant cette période agitée.

culpabilité

« Certains des enfants portent le fardeau de la culpabilité », explique Carol Mwakio Wawud, psychologue de MSF travaillant au sein du programme. « Il ne s’agit pas seulement de quelque chose qu’ils auraient pu faire ou voir lorsqu’ils portaient l’uniforme ; certains se sentent encore coupables d’avoir été capturés et enlevés à leur famille. Ils pensent que la faute leur revient. »

Mme Mwakio et d'autres membres du personnel de santé mentale de MSF essaient de les aider à comprendre qu'ils n'étaient pas entièrement responsables de leurs actes lorsqu'ils portaient l'uniforme. « Nous leur rappelons que leurs commandants étaient les véritables responsables et qu'ils les ont forcés à commettre des atrocités. C'était une période de leur vie au cours de laquelle ils n'avaient aucun contrôle, mais maintenant, l'avenir leur offre de nombreuses possibilités », ajoute Mme Mwakio.

un travail de confiance

La confiance est au cœur de la relation entre les conseillers et leurs jeunes patients. Cela ne fait pas seulement partie du code d'éthique du psychologue, c'est un lien essentiel et nécessaire pour que ces jeunes patients puissent s'exprimer librement.

Mme Mwakio explique que chaque détail, pouvant rendre les consultations psychologiques pour ces cas sensibles aussi confortables que possible, est important pour développer ce lien. « Des détails tels que l'endroit où notre patient s'assoit lors de nos séances sont très importants. Nous leur permettons de voir l'entrée de la tente pour qu'ils sachent que personne n'écoute. Notre objectif est de leur montrer qu'ils ont repris le contrôle de leur propre vie. »

Une conseillère MSF est en consultation avec un patient atteint du VIH dans une clinique mobile MSF à Bodo, un village situé juste à l'extérieur de Yambio, au Sud-Soudan. © Charles Atiki Lomodong, octobre 2017
Une conseillère MSF est en consultation avec un patient atteint du VIH dans une clinique mobile MSF à Bodo, un village situé juste à l'extérieur de Yambio, au Sud-Soudan. © Charles Atiki Lomodong, octobre 2017

Il est important que l'enfant soit bien pris en charge. Des services de première nécessité leur ont été promis et ils en ont désespérément besoin. Beaucoup de ces enfants ne se sentent pas en sécurité. Ils ont peur d’être replongés dans leur ancienne vie. Dans de telles circonstances, toute amélioration de leur santé mentale peut être rapidement perdue. S'ils estiment que le programme de démobilisation les a laissés tomber d’une façon ou d’une autre, la désillusion s'installe. Il existe même un risque que certains veuillent retourner à leur ancienne vie.

« Presque tous les enfants veulent retrouver une vie normale et un avenir. », explique Paul Maina, le responsable du programme de MSF. « Lorsque vous parlez avec eux, ils veulent tous aller à l'école comme les autres enfants de leur âge. Ils savent que ce n’est que par l’éducation qu’ils seront en mesure de mener une nouvelle vie. »

un pays qui doit panser ses plaies

Le système de santé au Soudan du Sud est rudimentaire et peu de professionnels locaux de la santé mentale peuvent répondre aux besoins des enfants et de leurs communautés. Pour contrer cela, des membres du personnel sud-soudanais du projet sont formés en tant que conseillers. Ces stagiaires participent à un programme de formation accéléré et, dans les mois à venir, ils seront en mesure de traiter des cas sous supervision.

Le programme de Yambio aide les enfants à changer de vie. Mais ce n’est qu’une petite partie d’un pays qui a grandement besoin de panser ses plaies. On estime que, dans l'ensemble du pays, 19 500 enfants ont combattu pendant le conflit et doivent être démobilisés. Si certains pourront trouver une façon bien à eux de gérer le passé, d'autres auront besoin d'aide dans ce nouveau chapitre de leur vie.