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Les blessures auxquelles les chirurgiens MSF font face à Gaza

Les équipes de Médecins Sans Frontières dans la Bande de Gaza sont à l’œuvre pour tenter de sauver les membres inférieurs de centaines de Palestiniens blessés lors de la « Marche du retour ». De nombreux patients ont en effet perdu d’importants morceaux d’os de leur jambe, parfois dix centimètres, pulvérisés par des balles tirées par l’armée israélienne. Les ressources médicales disponibles à Gaza sont limitées et rendent ce défi extrêmement compliqué, voire impossible dans certains cas. 

Deux centimètres, ça semble peu. Mais quand c’est dans la jambe qu’il vous manque deux centimètres d’os, c’est beaucoup, particulièrement lorsque cette perte est causée par une balle qui tourne sur elle-même et traverse votre corps en détruisant tout sur son passage. C’est ce que les chirurgiens de MSF de l’hôpital al-Awda, à Jabalia, dans le nord de Gaza, ont constaté lorsqu’ils ont ouvert le tibia de Yousri*. Il a été blessé en juillet 2018, et la balle a emporté un gros morceau d’os juste en-dessous du genou. Les chirurgiens ont dû prélever de l’os dans la hanche de Yousri pour combler ce trou et lui permettre de marcher à nouveau. 

An x-ray shows the bone gap and external fixators in the leg of Yousri*, who was shot by the Israeli army during protests in Gaza in July 2018. Al-Awda Hospital
La jambe de Yousri via rayons X dans l'hôpital d'al-Awda © Jacob Burns, janvier 2019.

Le Dr Hiroko Murakami, chirurgienne de MSF originaire du Japon, a d’abord coupé précautionneusement la peau avec son scalpel, afin d’exposer délicatement l’os. Elle s’est ensuite saisie d’un marteau et d’un burin pour retirer un morceau conséquent de hanche, morceau qui allait ensuite être soigneusement modelé et placé dans la jambe de Yousri. « Il faudra au moins deux à trois mois pour que les os fusionnent, voire plus. Ensuite, on verra si tout est en ordre, et si tel est le cas, alors on pourra retirer le fixateur externe et le patient pourra entamer les soins de kinésithérapie. C’est un long processus. »

Malheureusement, malgré le trou béant laissé par la balle dans le tibia de Yousri, son cas était relativement simple. Durant les manifestations organisées le long du grillage qui sépare Gaza d’Israël depuis le 30 mars, 6 174 personnes ont été blessées par des balles réelles tirées par l’armée israélienne. Près de 90% d’entre eux ont été blessés au niveau des membres inférieurs.

MSF surgeons Hiroko Murakami, Mohammed Obaid and Henri Vandenboer work with MSF nurse Mohamed Alramlawi to carry out a bone graft on Yousri*, a patient from Gaza shot by the Israeli army during protests in July 2018. Al-Awda Hospital
Les chirurgiens Hiroko Murakami et Mohammed Obaid effectuent une greffe d'os sur Yousri, © Jacob Burns, janvier 2019.

MSF a fourni des soins à environ la moitié des blessés suivant leur traitement initial dans les hôpitaux locaux, et les blessures que nous constatons sont particulièrement graves. Dans la moitié des cas, les patients présentent des fractures ouvertes complexes, où l’os est visible, et la plupart des autres souffrent de graves lésions nerveuses et des tissus. 

Nécessité de transférer les patients en Jordanie

Pour les patients les plus graves, toutefois, le traitement qu’ils nécessitent est très difficile à obtenir à Gaza, petite bande de terre surpeuplée, soumise à un blocus depuis dix ans et isolée depuis bien plus longtemps. Par conséquent, MSF transfère également des patients à son hôpital de chirurgie reconstructrice à Amman, en Jordanie. Mais ce processus difficile requiert l’autorisation de quitter la bande de Gaza, qu’il faut demander à diverses autorités : autorisation souvent non accordée.

Toutefois, MSF a récemment pu envoyer son premier patient blessé dans les manifestations – Eyad, 22 ans – hors de l’enclave palestinienne. Il a été blessé par balle le 14 mai et nécessite une greffe osseuse et de la chirurgie reconstructrice pour réparer les lésions sur sa jambe. À l’heure actuelle, le système de santé à Gaza ne peut offrir ce type d’opérations qu’à un nombre très restreint de patients.

Palestinians who have been wounded from Israeli live ammunition wait for post-operative care at the Médecins Sans Frontières (MSF) clinic in Gaza City on June 6,2018. According to Medecins Sans Frontieres (MSF) who operate in Gaza, the Israelis have been using ammunition that causes fist-sized wounds of “unusual severity”.
Jeunes hommes portant des béquilles, une scène quotidienne à Gaza depuis avril 2018 © Heidi Levine, juin 018.

« Un jour, la semaine dernière, j’étais fatigué et déprimé parce que l’opération semblait très lointaine », raconte Eyad. « Mais le soir-même, MSF m’a appelé et m’a dit Eyad, jeudi tu quittes la bande de Gaza. Depuis ce jour, je suis empli de bonheur, non seulement pour moi, mais aussi pour ma mère, mes frères, ma famille et tous mes proches. Je n’arrive pas à y croire. » Il est désormais hospitalisé à Amman, où il a débuté le long processus de reconstruction des os de sa jambe, une suite d’opérations qui, nous l’espérons, lui permettront à nouveau de vivre normalement.

Les risques médicaux de plus en plus graves auxquels sont confrontés les patients blessés depuis mars dans les manifestations sont la raison pour laquelle MSF étend ses capacités à Gaza et tente d’envoyer davantage de patients se faire soigner à l’étranger. Toutefois, les besoins de ces patients restent trop importants pour MSF et les autres acteurs du secteur de la santé à Gaza. Il reste donc beaucoup à faire si l’on ne veut pas que des centaines de patients aient à subir des répercussions qui affecteront le reste de leur vie.

*Les prénoms ont été modifiés