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Cinq défis à relever au Bangladesh et dans les camps de réfugiés Rohingyas face au Covid-19

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Nazrul Islam, assistant médical, et Mahabuba Khatun, aide-soignante, examinent un patient au sein d’une de nos cliniques, à Jamtoli, dans les camps de réfugiés de Cox's Bazar. © Daniella Ritzau-Reid, avril 2020.

Le Bangladesh est l'un des pays les plus densément peuplés au monde, et abrite le plus grand camp de réfugiés du monde. À Cox's Bazar, au sud du pays, près d'un million de réfugiés Rohingyas vivent dans des camps surpeuplés aux conditions insalubres. Voici les cinq principaux défis à relever au Bangladesh face à la propagation du Covid-19.

1. Protéger Des populations très vulnérables

Dans tout le Bangladesh, de nombreuses communautés pauvres sont confrontées à une existence précaire, dans des environnements surpeuplés, ce qui les rend particulièrement vulnérables au COVID-19. De nombreux Bangladais habitent dans des zones urbaines et des bidonvilles densément peuplés, et les réfugiés Rohingyas vivent dans des abris exigus, avec jusqu'à dix membres de la famille par pièce.

Il est pratiquement impossible de maintenir une distance physique dans ces conditions. Dans les camps de réfugiés à Cox’s Bazar, environ 860 000 Rohingyas vivent sur un terrain de seulement 26 kilomètres carrés, avec un accès limité à l'eau potable et au savon. Ils dépendent des distributions communales d'eau potable, de nourriture et de carburant, et sont donc nombreux à attendre pendant des heures de les recevoir.

« Les gens se sentent frustrés de ne pas pouvoir se laver les mains comme cela est recommandé. Si vous n'avez que 11 litres par jour, comment cela peut-il suffire pour vous laver les mains autant que nécessaire ? », explique Richard Galpin, expert MSF en assainissement de l’eau.

Après des décennies de persécution au Myanmar, durant lesquelles l'accès aux soins de santé a été sévèrement limité, les Rohingyas ont un faible niveau de santé et ne bénéficient pas de la protection des vaccinations de routine, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses.

Avant la pandémie de COVID-19, environ 30 % des patients soignés par MSF dans les camps de réfugiés présentaient des symptômes au niveau des voies respiratoires, tels qu’un essoufflement. De ce fait, ils font partie des personnes à haut risque de contracter cette nouvelle maladie.

2. Maintenir les services essentiels et l'accès à l'aide médicale

Les axes relatifs aux soins de santé que nous prodiguons, sont adaptés pour faire face à la propagation du coronavirus, et notre réponse humanitaire a dû être considérablement réduite. Cependant, les mères continueront à accoucher, les enfants continueront à avoir de la diarrhée et les patients chroniques continueront à avoir besoin de médicaments. Il est donc crucial que ces activités essentielles et vitales soient maintenues.

Les restrictions en matière de voyage, qui sont essentielles pour limiter la propagation du COVID-19, affectent l'accès aux soins de santé. Il est beaucoup plus difficile pour les personnes atteintes de maladies « invisibles » de prouver qu'elles sont malades et qu'elles sont en mesure de se rendre dans des établissements de santé pour y être traitées. Les personnes souffrant de troubles psychiatriques ou de maladies non transmissibles, comme le diabète, peuvent sembler en bonne santé, mais, si leurs traitements réguliers sont interrompus, leur état de santé risque de régresser et des symptômes très nocifs peuvent réapparaitre. La semaine dernière, une patiente est arrivée en larmes dans un de nos centres. Elle craignait de ne pas pouvoir y être admise ; il lui avait fallu cinq jours pour organiser son transport jusqu'à l'hôpital.

Pour les Rohingyas, l'arrivée des fortes pluies de mousson dans le mois à venir signifie que le risque d'épidémies de maladies hydriques, comme le choléra, va s'accroître. Dans le cadre des restrictions actuelles, un des défis sera de maintenir en fonctionnement les infrastructures donnant accès à l’eau et permettant l’assainissement de celui-ci. Les latrines doivent être débarrassées des boues, et les réseaux de distribution d'eau doivent être entretenus et réparés ; tout cela nécessite des fournitures, des matériaux et de la main-d'œuvre, qui sont maintenant tous en quantité limitée.

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Kawsar Mohammad Shamim, responsable en matière d’approvisionnement et d’assainissement de l’eau, et Opu Biswas, infirmier superviseur, montrent comment mettre un équipement de protection individuelle aux agents d'hygiène MSF nouvellement recrutés, au sein de notre centre de soins « Rubber Garden », à Cox's Bazar. © Daniella Ritzau-Reid, avril 2020.

3. Rendre les personnes confiantes, malgré la peur

Grâce à notre expérience en matière de soins de santé prodigués lors d'autres épidémies de maladies infectieuses, nous avons appris combien il est crucial d'informer la population. C'est essentiel pour qu'elles comprennent comment se protéger, pour s'attaquer aux rumeurs et réduire la peur, et pour donner aux gens un sentiment de contrôle. Les communautés bangladaises et rohingyas sont effrayées, ce qui est compréhensible. Les rumeurs et la désinformation peuvent se propager aussi vite que le virus.

La peur empêche les personnes qui ont besoin de soins essentiels d'accéder à nos cliniques. Au cours des dernières semaines, nous avons constaté une forte diminution des consultations. À l'hôpital de Kutupalong, à Cox's Bazar, nous recevons normalement entre 80 et 100 patients par jour principalement pour recouvrir de pansements des blessures. Beaucoup de ces blessures sont chroniques et nécessitent un nettoyage et un pansement réguliers, tous les deux ou trois jours. Ce nombre est tombé à environ 30 patients par jour. Sans ces pansements, il y a un risque d'infections, de septicémie et même de décès.

Nos équipes dans les camps et les villages bangladais voisins, s'efforcent de donner des conseils sur la manière de prévenir la propagation du COVID-19. Pour éviter de rassembler les gens en groupes, elles vont de maison en maison et parlent avec les membres de chaque famille.

Nous avons aussi réalisé de courtes vidéos que les gens peuvent partager par Bluetooth, compte tenu des restrictions d'Internet. Nous travaillons également avec des chefs de communauté ou religieux, pour aider les personnes à partager des conseils de bouche à oreille, et nous organisons des visites de nos installations d'isolement pour établir de la confiance auprès de la population.

4. Protéger le personnel de première ligne

Les travailleurs et travailleuses de la santé sont en première ligne de la réponse au COVID-19. Sans elles et eux, il n'y a aucun moyen de lutter contre cette crise sanitaire ou de répondre à d'autres besoins médicaux.

Au Bangladesh, comme ailleurs dans le monde, nous sommes confrontés à une pénurie d'équipements de protection individuelle (EPI), tels que les masques, blouses médicales, lunettes et gants. Les travailleurs de la santé sont le groupe le plus exposé au risque de contracter le COVID-19. Nous n’exposerons aucun-e de nos employé-e-s à des risques d'infection.

« Les limitations découlant de l’épidémie de COVID-19 détermineront notre capacité à répondre à celle-ci et à maintenir des activités médicales ordinaires », déclare Muriel Boursier, cheffe de mission MSF. « Cette incertitude, ainsi que l'absence de garantie que nous serons en mesure de tenir notre engagement envers nos patients, représentent une pression énorme sur l'équipe ».

Si nous avons été témoins de manifestations de solidarité avec les travailleurs de première ligne à travers le monde, nous avons également vu la peur conduire à des comportements stigmatisants et cruels, auxquels Le Bangladesh n'a pas échappé. Certain-e-s de nos employé-e-s ont été victimes d'abus verbaux ou de menaces de la part de personnes craignant le COVID-19 et d'autres risquent d'être expulsés par des propriétaires ne voulant pas héberger le personnel de première ligne.  

Si les travailleurs de la santé ne se sentent pas en sécurité ou ne se sentent pas soutenus dans leur travail, il ne peut y avoir de réponse sérieuse au COVID-19.

5. La gestion des patients touchés par le COVID-19

Nous avons mis en place des salles d'isolement au sein de toutes nos installations médicales à Cox's Bazar, et préparons deux centres de soins spécialisés. Au total, nous avons mis à disposition 300 lits d'isolement, mais cela n’est qu'une fraction de la capacité en lits nécessaire. Nos cliniques dans les camps de réfugiés ne sont pas en mesure de traiter les cas graves, du fait du manque de respirateurs et de la disponibilité limitée d'oxygène concentré.

Le renforcement de notre réponse à cette pandémie a nécessité un effort massif de recrutement de personnel local bangladais. Nous avons également besoin de notre personnel international afin d’avoir une expertise, mais, du fait des restrictions sur les voyages au Bangladesh, environ un tiers de ce personnel est actuellement bloqué à l'extérieur du pays.

Le besoin de personnel médical est évident, mais nous avons besoin aussi de gestionnaires pour gérer nos hôpitaux, de logisticiens pour garantir que nous disposons de fournitures médicales de qualité, et bien d'autres métiers encore. Nous avons loué des bus qui transporteront des centaines de personnes vers nos hôpitaux et cliniques à travers Cox's Bazar, ce qui constitue un exercice logistique quotidien énorme et long.

Pour avoir une chance réaliste de s'attaquer au COVID-19 auprès des communautés les plus vulnérables du Bangladesh, tous les acteurs et les autorités sanitaires doivent travailler ensemble, main dans la main, dans la solidarité.