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Au sud de Madagascar, la longue marche vers l’eau

Boire, cuisiner, se laver, ce sont sont des difficultés quotidiennes pour la population de la région du Grand Sud de Madagascar. Les périodes de sécheresse, chroniques dans cette région semi-aride, aggravées par le manque de développement et d’infrastructures adaptées et le réchauffement climatique, rendent l’accès à l’eau de plus en plus compliqué.  

Aucune goutte de pluie depuis trois ans

Depuis Ambovombe, capitale de la région d’Androy, il faut traverser l’immense Grand Sud de Madagascar, emprunter des kilomètres de chemin sablonneux, bordés de cactus, de champs de sisal et ponctués de quelques baobabs solitaires pour enfin arriver à la rivière Mandrare, encore asséchée il y a quelques semaines.

« J’ai creusé avec mes mains dans le lit de la rivière pour trouver un peu d’eau » explique Claudine, accroupie dans le sable pour nettoyer une marmite dans quelques centimètres d’eau trouble.

Presque aucune goutte de pluie n’était tombée depuis trois ans. Les rivières et les sources de la région se sont taries, mettant gravement à mal les récoltes et provoquant encore l’année dernière une grave crise nutritionnelle, avec près d’un million et demi de personnes dans une situation d’insécurité alimentaire aigüe, connue sous le nom de kéré : être affamé en langue locale.

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Médecins sans frontières assure la distribution d'eau dans le village de Fenoiva. ©  Lucille Guenier, 15 mars 2022.

« Chercher de l’eau, c’est la première chose que je dois faire en me levant » continue Claudine en rangeant ses affaires. « Nous n’avons pas de puit dans notre village, alors parfois je dois marcher toute la journée » conclue-t-elle avant de se remettre en marche. Elle espère retourner à son village avant la nuit afin d’éviter de croiser en chemin les dahalos, ces voleurs de zébus du Grand Sud de Madagascar qui pillent et qui violent.

Chaque goutte d'eau est précieuse

Comme elle, les femmes et les jeunes filles des villages isolés et enclavés doivent marcher de longues heures, parfois toute une journée, sous un soleil de plomb, pour remplir un bidon d’eau de 20 litres qu’elles portent sur leur tête. Des litres à peine suffisants pour se laver, boire et cuisiner pendant trois jours.

Dans ces conditions extrêmes, chaque goutte d’eau est précieusement gardée. « Nous conservons dans le tronc l’eau de pluie qui est tombée hier » explique Sahondra, en tenant l’échelle de son mari qui escalade un baobab. Ce géant, endémique dans la région, est évidé pour servir de réservoir d’eau de pluie.

Une sécheresse exceptionnelle 

« Je n’avais jamais vécu une telle sécheresse » soupire Sahondra. « Parfois, je ne me lavais pas pendant plusieurs semaines et je mangeais du manioc cru. J’avais à peine de quoi boire ». Pendant ces longs mois, elle s’est hydratée en partie grâce à des plantes riches en eau comme les figues de Barbarie, fruit du cactus. « J’ai dû vendre mes ustensiles de cuisine au marché pour avoir de quoi acheter de l’eau » explique-t-elle. Le prix de remplissage des bidons peut en effet être multiplié par quatre en période de sécheresse poussant les familles à dépendre d’une eau saumâtre, impropre à la consommation, récupérée dans quelques rares flaques et les exposant à des épidémies de maladies liées à l’eau comme la diarrhée ou l’hépatite E.

La proximité d’un point d’eau peut transformer la vie de la population

« Dans de telles conditions la proximité d’un point d’eau peut transformer la vie de la population » explique Nicolas, ingénieur MSF en eau, hygiène et assainissement.

Nos équipes, ainsi que d’autres acteurs humanitaires présents dans la région, mènent des distributions d’eau potable plusieurs fois par semaine dans des villages et réhabilitent et construisent de nouveaux points d’eau.  « L’eau exploitable des nappes souterraines est souvent salée et toujours difficile à localiser. Pour trouver de l’eau potable, il faut étudier le sous-sol en amont et le forer parfois à plus de 100 mètres » précise Nicolas. Ces dispositifs laborieux et très coûteux à installer et à maintenir en état expliquent en partie le manque total d’infrastructures dans certaines zones de la région.

Rapport du GIEC

Pourtant, l’accès à l’eau est un enjeu fondamental pour l’avenir de la population du Grand Sud de Madagascar. Selon les derniers rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) les épisodes de sécheresse en Afrique australe sont amenés à se multiplier d’ici la fin du siècle, exacerbant les crises nutritionnelles dans la région si l’accès à l’eau pour les populations locales n’est pas facilité. L’OMS estime que d’ici 2025, la moitié de la population mondiale vivra dans des zones de tensions hydriques, catalyseur de tensions et de conflits. Face à un avenir aussi incertain, développer durablement les infrastructures d'approvisionnement en eau et d'assainissement est un moyen essentiel et efficace d’améliorer les conditions de vie et la santé des habitants vulnérables du Grand Sud de Madagascar.

Les pluies tombées dans le sillage des cyclones, qui ont frappé l’est du pays de janvier à mars, ont permis que la rivière Mandrare reprenne enfin un peu vie. « Une situation temporaire rappelle Sahondra : avec la fin du mois d’avril, s’ouvrent le temps des récoltes et de la saison sèche.