MSF publie un rapport sur base de son intervention de mars à juin dernier dans 135 maisons de repos en Belgique. Le constat dressé est catastrophique ! Découvrez-y les manquements, des témoignages inédits, ainsi que nos recommandations aux autorités.
Les constats tirés de notre intervention
Tout d'abord, un chiffre accablant : 64% des décès dus au Covid-19 en Belgique sont ceux de résidents de maisons de repos. Soit 6.200 personnes. Mais c'est loin d'être tout.
Le personnel des maisons de repos a manqué de tout ! Manque d’équipements de protection, manque de matériel médical, manque de personnel et manque de formations. Lorsque les résidents tombaient malades, leur transfert vers les hôpitaux et le recours à des services médicaux externes se sont parfois avéré impossibles, ce qui a obligé les maisons de repos à se transformer en hôpitaux de fortune, sans en avoir les capacités.
De nombreux membres de personnel que nos équipes ont rencontrés étaient à bout, épuisés, et se sentaient abandonnés, alors qu'ils étaient souvent en plein deuil ! « Lors d’une session de formation en groupe, une ergothérapeute a quitté la pièce en pleurs. Un des résidents dont elle était proche, qui avait suivi la naissance de ses enfants, était décédé seul sans pouvoir lui dire au revoir. Pire, elle s’en voulait énormément d’avoir peut-être été à l'origine de certaines contaminations au sein de la maison, vu le manque de moyens », a déclaré une psychologue MSF.
À tout cela s’ajoute encore une véritable détresse psychologique, tant chez les résidents que chez les membres du personnel et des directions. « Un jour, un des appels reçus sur mon téléphone provenait d’une directrice de maison de repos de la région bruxelloise. En pleurs, elle m’a expliqué qu’elle était dans une situation impossible, qu’il ne lui restait plus que quatre employés pour s’occuper de ses 70 résidents, et demandait de l’aide », a déclaré une responsable des ressources humaines de MSF.
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Nos recommandations aux autorités compétentes
Il est nécessaire et urgent que les gouvernements belges mettent tout en œuvre pour que les maisons de repos soient préparées à faire face à une seconde vague de Covid-19. Les recommandations que nous adressons aux autorités constituent de simples mesures, qui permettront une meilleure gestion de l’épidémie en leur sein. En voici les principales :
- L’adoption d’un plan d’urgence spécifique aux maisons de repos, actualisé et doté de ressources adéquates, aux niveaux fédéral et régional, avec une répartition claire des rôles et des responsabilités.
- Une adaptation des directives et des protocoles aux réalités vécues par les maisons de repos, ainsi qu’un soutien pratique apporté au sein des établissements pour la mise en œuvre de ces instructions.
- Chaque maison de repos doit disposer d’un responsable infirmier et/ou d’une cellule de crise.
- L’organisation de soins psychologiques pour les résidents et le personnel des maisons.
- L’organisation de cours de « rattrapage » et de sessions de formation pratique relatifs à l’hygiène, à la désinfection et aux mesures de prévention et de contrôle des infections.
- Soumettre le personnel et les résidents des maisons de repos à des dépistages réguliers du Covid-19, afin de pouvoir réagir au plus vite et de prendre les mesures adéquates pour éviter la transmission du virus en leur sein.
- Aller au-delà des soins cliniques individuels, principalement gérés par des praticiens privés et des hôpitaux : nous recommandons d’adopter une approche de santé publique visant à la détection précoce et à l’atténuation rapide des chaînes de transmission.
- Harmoniser les données de surveillance entre les différentes entités fédérées : les différents systèmes de récolte actuels sont source de confusion et ne permettent pas une interprétation correcte de la situation.
- Encourager et répertorier les initiatives des organisations de la société civile et faciliter les liens entre celles-ci et les autorités.
- L’accès aux soins et la continuité des soins pour les résidents des maisons de repos doivent être garantis par une continuité et un protocole clair des références hospitalières, ainsi que par les visites habituelles du médecin généraliste ou par une autre personne ayant accès aux dossiers des résidents.
« Il n’y a pas de temps à perdre pour agir de manière concrète, ciblée sur les besoins spécifiques de ces lieux d’hébergement et de vie, leur personnel et leurs résidents. Pour qu’au moment où le virus reviendra en force à leur porte, nous ne laissions à nouveau les aînés payer le prix de l’indifférence », insiste le docteur MSF Bertrand Draguez.
Notre message aux gouvernements belges est donc clair : mettez tout en œuvre pour affronter au mieux une seconde vague éventuelle ! Il faut agir vite, et maintenant !