Médias sociaux

Open the menu

Un regard ou un stylo peut être plus puissant que des médicaments

Country
Libye

Sandra était responsable infirmière en Libye. Elle raconte quels sont les besoins en santé mentale dans les centres de détention pour migrants et réfugiés dans le pays.

"Nous sommes un matin de mai 2019. Sous le ciel maussade du quartier de Janzour à Tripoli, la capitale libyenne, une femme suspend du linge humide et coloré pour capter la brise matinale sur sa terrasse. Celle-ci donne sur l'autre côté de la rue, sur les fils de fer barbelés et murs sales du centre de détention d'Anjila, où plus de cent réfugiés et migrants sont enfermés.

Femme dans un centre de détention en Libye
Une femme qui se trouve dans un centre de détention explique : « Les personnes ici perdent espoir. Nous sommes tous des humains. Si nous voulons partir, c’est pour avoir une vie meilleure. Nous ne sommes pas des criminels » © Sara Creta/MSF. Septembre 2018.

À l’extérieur, l’équipe d’agents de santé de MSF arrive au centre de détention très surveillé avec des médicaments, des rations supplémentaires et un carton rempli de cahiers. L’objectif de la journée : tenter de soigner à la fois les maux physiques mais aussi les besoins vitaux en matière de santé mentale des détenus réfugiés et migrants. La souffrance de ces personnes est exacerbée par la pauvreté et les conditions inhumaines de leur détention. Parmi les pathologies, on retrouve la peur, l’anxiété, l’insomnie et la dépression.

S’exprimer et échanger

« Les gens sont sans cesse dans leurs pensées car ils sont détenus dans un endroit où ils ne font presque rien », m'a expliqué Hisham Sofrani, assistant social chez MSF. « Lorsque vous êtes bloqué dans une nouvelle situation très difficile et que vous ne pouvez pas voir les choix ou les options qui s'offrent à vous, vous continuez à vous rappeler vos expériences passées, en particulier les plus négatives. »

La stimulation mentale par l'écriture, le dessin et certains jeux (du style « OXO ») peut être un moyen thérapeutique pour permettre aux gens de s'exprimer et faire face aux situations dangereuses auxquelles ils sont confrontés quotidiennement. Cela peut également aider à construire un tissu social avec les autres personnes en détention qui ont des nationalités et des expériences différentes. En détention, il s'avère que le stylo peut être plus puissant que les médicaments. 

Centre de détention libyen
Un survivant d'un naufrage en Méditerranée qui se trouve dans un centre de détention de Libye © Sara Creta/MSF. Septembre 2018.

Pendant que les médecins examinent les patients pour des maladies telles que des infections des voies respiratoires, la gale ou la tuberculose, un petit groupe se rassemble à l’extérieur du centre où un conseiller discute avec eux. Ensemble, ils échangent sur ce qui cause le stress, de ses liens avec d’autres problèmes comme l’insomnie et de la façon de le gérer. 

Ensuite, le groupe prend de longues inspirations et effectue de simples exercices physiques. Tout le monde est attentif et certains révèlent même un sourire ; ils commencent à avoir l'air vivant. 

En fin de compte, les gens n’ont pas uniquement besoin d’un médecin, ils ont besoin de savoir que quelqu'un, quelque part, se soucie d'eux et les traite avec la dignité qu'ils méritent."

Violation du droit international

Environ 6000 réfugiés et migrants sont actuellement détenus dans des centres de détention officiels gérés par l'État libyen. Nombre d'entre eux ont fui leur pays dans des pays lointains à la recherche d'un avenir plus sûr, pour finalement réaliser que l'extorsion, la torture, les violences sexuelles, l'exploitation et le travail forcé les attendaient en Libye et tout au long de leur voyage. Ces personnes vulnérables sont maintenues indéfiniment dans des conditions bien inférieures aux normes internationales et nuisent à leur santé physique et mentale.

C’est un calvaire devenu tragiquement courant et documenté auxquels sont exposés les migrants et réfugiés en Libye, ce qui n’empêche pas les Etats européens de continuer à les y renvoyer en toute connaissance de cause et en violation du droit international.