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RCA: une histoire de VIH, de conflit et de communauté

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Conflits

C’est l’histoire de Raymond, originaire de Djema, dans le sud-est de la République centrafricaine (RCA). Raymond est séropositif. En décembre 2016, il a rejoint la nouvelle équipe de MSF à Zémio, qui formait des groupes antirétroviraux communautaires: une nouvelle façon de fournir des médicaments contre le VIH aux personnes qui vivent dans les zones rurales reculées.

Le VIH est particulièrement répandu dans cette zone, touchant en moyenne une personne sur dix. « Lorsqu’on m’a dépisté le VIH, j’ai paniqué, comme de nombreux patients », explique Raymond. « Mais j’ai tout de suite commencé mon traitement car je savais qu’il me permettrait de vivre avec et d’aider les autres. »

 Raymond arrive au centre de santé de Zémio, soutenu par MSF.
 Raymond arrive au centre de santé de Zémio, soutenu par MSF.  ©Sandra Smiley, décembre 2016

Décembre 2016: un far-west plutôt calme

L’ensemble des patients inscrits au programme de lutte contre le VIH de Zémio ont été répartis en groupes selon leur zone d’habitation, certains vivent à près de 250 kilomètres. Tous les six mois, une personne du groupe était chargée de se rendre à la pharmacie de MSF à Zémio pour y récupérer les médicaments destinés à leur groupe.

Le pharmacien de Zémio, Alain, prépare la commande de Raymond: 90 jours de médicaments anti-VIH pour les 26 patients de son village.
Le pharmacien de Zémio, Alain, prépare la commande de Raymond: 90 jours de médicaments anti-VIH pour les 26 patients de son village. ©Sandra Smiley, décembre 2016

« J’ai contacté l’ensemble des personnes atteintes du VIH à Djema et nous avons formé un petit groupe. J’étais chargé de me rendre à la pharmacie en moto pour récupérer les médicaments pour les 26 patients de mon village. Pour couvrir les 130 kilomètres qui séparent Djema de Zémio, je devais traverser une rivière de cinquante mètres de large. Il y avait une barge mais elle était amarrée sur l’autre rive. J’ai dû laisser ma moto et traverser la rivière en grimpant aux arbres qui la surplombent. »

« La dangerosité des routes était également un problème », confie Raymond. Le sud-est de la RCA a toujours été le Far-West du pays. Bordée des deux côtés par le vaste arrière-pays du Congo et du Soudan du Sud, la région a toujours été un terrain de jeu pour les bandits en maraude, qui vivent du pillage des villages et des ressources.

Les nombreux obstacles à l’accès aux traitements contre le VIH dans cette zone - routes en mauvais état, structures de santé en permanence sous-équipées et en sous-effectif, et criminalité omniprésente pour n’en nommer que quelques-uns - étaient la principale raison de l’instauration de groupes antirétroviraux communautaires dans la région. Ils permettaient aux personnes atteintes du VIH de combiner les risques, de partager les frais et de prendre leur santé en main.

En décembre 2016, l’état de santé de Raymond était excellent. Sous traitement depuis deux ans, il était en bonne santé, continuait de prodiguer des soins à la population en tant que travailleur de la santé et était optimiste quant à l’avenir. Mais tout a changé à l’été 2017, lorsque le conflit a éclaté dans cette région jusque-là très calme.

Été 2017: quand tout a changé

Le 28 juin, des hommes armés ont attaqué Zémio, tuant les civils, pillant et incendiant les magasins et les maisons. Les gens ont paniqué, se sont mis à courir dans tous les sens, laissant leurs casseroles sur le feu et tentant de se réfugier partout où ils le pouvaient, principalement dans l’enceinte de l’hôpital. Ce dernier était l’un des seuls endroits sûrs, ou du moins c’est ce qu’ils pensaient.

Certaines personnes ont tout perdu dans la panique: leurs maisons, des membres de leur famille, leurs biens - et certains patients atteints du VIH ont dû fuir sans leurs antirétroviraux.

L’entrée musclée des hommes armés dans l’hôpital de Zémio, en août, a marqué le point de rupture du conflit. Ils ont ouvert le feu sur les milliers de personnes réfugiées à l’intérieur, en tuant onze. Après cet événement, tout le monde, y compris Raymond et le reste du personnel local, a été contraint de fuir la ville.

Entrée principale du centre de MSF à Zémio. Il a été complètement détruit et pillé lors des attaques de l'été 2017.
Entrée principale du centre de MSF à Zémio. Il a été complètement détruit et pillé lors des attaques de l'été 2017. ©Mia Hejdenberg, novembre 2017

Décembre 2017: Zémio, une ville fantôme

Lorsque l’équipe internationale de MSF est revenue à Zémio en octobre, après un mois d’absence, elle s’est retrouvée dans une ville fantôme. En décembre 2017, MSF a décidé d’y cesser définitivement toute activité car une majorité de la population avait quitté la ville et s’était réfugiée dans un camp de la République démocratique du Congo (RDC).

Depuis le début du conflit dans la ville, l’équipe de MSF a tenté de localiser les patients inscrits à son programme de lutte contre le VIH pour les placer à nouveau sous traitement. Elle est parvenue à contacter 1200 patients via ses chefs de groupe. Parmi ces patients se trouvait leur ancien collègue, Raymond.

Raymond, comme des milliers d’autres, a traversé la rivière lorsque le conflit a éclaté pour se réfugier en RDC. Comme beaucoup d’autres, lui et sa famille ont perdu leur maison et la plupart de leurs biens. Les membres du personnel de MSF à Zémio sont parvenus à le réapprovisionner en médicaments antirétroviraux afin qu’il puisse reprendre un traitement régulier. Raymond est toujours en relativement bonne santé, mais il a perdu tout optimisme. « Qu’allons-nous faire? Nous ne pouvons pas retourner chez nous. Je suis très inquiet pour l’avenir. »

Raymond part du centre de santé de Zémio.
Raymond part du centre de santé de Zémio. ©Sandra Smiley, décembre 2016

Dans ce pays de 4,5 millions d’habitants, une personne sur cinq a été contrainte de quitter son foyer en 2017 en raison des violences. MSF a, quant à elle, été victime de trois attaques par mois en moyenne, perpétrées contre ses structures médicales, ses véhicules et son personnel. Ces attaques et les nombreuses exactions commises à l’encontre de la population civile et des organisations humanitaires dans d’autres régions du pays ont fait de la RCA l’un des pays les plus dangereux du monde pour les travailleurs humanitaires en 2017. Ce regain de violences a eu un impact particulièrement fort sur l’accès de la population aux soins médicaux, en particulier des plus fragiles.