Lutte contre Ebola sur le terrain: une course contre le temps
"Nous sommes arrivés en avion à Mbandaka le 20 mai au matin. Mbandaka est la principale ville de la province où l'épidémie actuelle d'Ebola a été déclarée. Certains cas ont été signalés dans la ville et MSF y a installé un centre de traitement d'Ebola. Le rôle de notre équipe était de lancer une intervention à Iboko, une zone très reculée à environ 120 km au sud de Mbandaka où un patient venait d'être testé positif pour une infection au virus Ebola.
Un parcours parsemé d'embûches
Il n'y avait pas d'hélicoptère disponible pendant deux jours et nous avons donc pris la route une heure après l'atterrissage à Mbandaka, avec trois voitures louées, chargées de toutes les provisions et matériaux que nous avions pu trouver. Dans une telle épidémie, nous sommes dans une course contre la montre, car un patient atteint d'Ebola avec des symptômes peut infecter plusieurs personnes chaque jour. La meilleure façon de contenir la maladie est de mettre toutes les mesures en place dès que possible. La course était lancée.
C'était un long voyage. Nous sommes arrivés de nuit à Itipo, un autre village touché par l'épidémie, après avoir souffert de problèmes mécaniques et avoir dû réparer en chemin de nombreux ponts en bois cassés. Un de nos véhicules s’est même décalé sur le bord d'un pont et il nous a fallu ce qui nous a semblé des heures pour le remettre sur les rails dans l'obscurité.
PEUR DE LA MALADIE
Après une courte nuit sous des tentes sur la terrasse d'un couvent, nous sommes repartis pour Iboko, pour encore 2 à 3 heures de route. Iboko est un village qui dispose d'un hôpital fonctionnel qui dessert une vaste zone avec de nombreux villages. Mes collègues ont entamé des discussions avec la communauté et ses chefs pour expliquer ce que nous allions faire et sensibiliser la population sur Ebola, son mode de transmission et les mesures sanitaires à prendre pour la prévention. Les villageois nous ont bien accueillis, mais nous pouvions aussi voir qu'ils avaient très peur de la maladie.
De mon côté, en tant qu’expert de l’eau et l’assainissement, j'ai recruté du personnel local et nous nous sommes concentrés sur l'une des premières priorités: construire un centre d'isolement, avec ses latrines, sa salle de douche, ses salles de changement de tenues, ainsi qu'une zone de gestion des déchets. Il était prêt en 24 heures et pouvait déjà accueillir les patients suspects d'Ebola, qui seraient testés et recevraient les premiers soins.
Construire un ETC est assez complexe; tout doit être fait pour éviter la contamination croisée entre les patients, les cas suspects et confirmés, les professionnels de la santé, leurs familles et la population vivant à proximité.
Mais l'un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés dans cette épidémie est que, malgré nos efforts de sensibilisation, les personnes ayant des symptômes similaires à ceux du virus Ebola ne veulent pas venir se faire tester. Certains d'entre eux vivent également loin du CTE et préfèrent rester dans leur communauté, dans leur village. Rester avec la famille à la maison peut toutefois être dangereux pour les personnes qui s'occupent du patient et celles-ci pourraient facilement être infectées et devenir le prochain cas suspect.
Enterrement sécurisé
L'un des patients confirmé positif, une femme, a choisi de rester chez elle, dans un village appelé Bobale, à 19 km d'Iboko. Elle est morte à la maison. Nous avons été avertis rapidement et je suis allé là-bas pour nous assurer que son corps, très contagieux à ce moment, serait manipulé avec toutes les précautions nécessaires, tout en essayant de respecter les coutumes locales.
C'est moi qui ai désinfecté la maison où reposait la défunte et je l'ai mise dans un sac mortuaire qui devait être ensuite déposé dans un cercueil scellé que la communauté avait fabriqué pour nous. Mais il n'y avait pas assez de lumière pour entrer dans la maison sans risquer de déchirer ma combinaison de protection sur des objets tranchants. Nous avons donc décidé de reporter l’opération au lendemain matin.
Il m'a fallu une heure, en transpirant massivement sous la combinaison de protection, pour désinfecter la maison puis le corps de la dame d'une manière respectueuse, sous les yeux de son mari, lui-même également en tenue de protection. Puis j'ai rassemblé tous les vêtements, les draps et autres effets, les matériaux contaminés qui devaient être brûlés, les ai mis dans un sac, que j'ai pulvérisé, puis mis ce sac dans un autre sac que j'ai pulvérisé, puis le tout dans un autre sac. Nous prenons le maximum de précautions pour ne pas propager la maladie et ces sacs ont été emportés dans le véhicule et brûlés plus tard dans notre centre Ebola à Iboko.
La lutte contre Ebola continue
J'ai quitté la RDC il y a quelques jours et d'autres collègues de MSF ont rejoint cette course contre Ebola. La principale difficulté reste de convaincre les gens de se faire soigner dans les centres de traitement Ebola, en particulier dans les zones reculées comme Iboko, et nous ne devons ménager aucun effort pour que les communautés sachent comment se protéger contre la propagation de cette maladie."