Journée internationale de la santé mentale: le cri d’alerte de Mathilde, psychologue chez MSF en Belgique

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Mathilde AZG

Depuis maintenant quelques mois que je parcours les rues de Bruxelles, et ses squats pour rencontrer, découvrir une autre facette de ma ville natale. Tous ces endroits où je n’ai jamais mis les pieds avant de travailler pour MSF. Maintenant, je connais, j’ai vu et j’ai compris ceque pouvait être le monde d’une personne migrante qui arrive dans mon pays.  

J’ai découvert des histoires de personnes fortes, respectueuses, résilientes et bienveillantes quin’ont qu’un rêve : Vivre dans la dignité. Ce rêve qu’on leur enlève chaque jour en leur laissant penser que la rue est un espace où vivre, qu’ils peuvent y créer un chez-soi et s’y sentir bien. 

La réalité est tellement plus dure et violente, la rue c’est le froid, la pluie, la faim, la maladieet les abus… Un terreau fertile pour faire émerger la maladie mentale. Qu’elle se manifeste parune dépression, par des traumas, par de l’anxiété ou pire, par la psychose. La maladie mentale n’attend pas, ne prévient pas, ne se tait pas, elle s’exprime haut et fort ! Et pourtant… Qui latraite ? Qui s’en occupe ? Qui est là quand tout va mal ? Quand nous n’avons ni sécurité, ni dignité, ni papiers…

L’impuissance grandissante dans nos rues, nous rappel à chaque fois que nous ne vivrons pasmieux tant que le rejet de l’autre, de « l’étranger », prend place dans nos politiques. 

Comme dirait Amin Maalouf : « C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leursplus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer » Amin Maalouf, Identités meurtrières.

Mathilde Sénépart, psychologue 

Que fait MSF en Belgique?

Médecins Sans Frontières est présent en Belgique depuis 2015 et travaille sur l'accès aux soins desanté mentale et médicale pour les migrants en situation d'exclusion. Il s'agit notamment de mineurs non accompagnés, de personnes détenues dans des centres administratifs, de personnes vivant dansdes squats dans des conditions d'hygiène précaires et sans soins de santé et des personnes touchées par des situations d'urgence.

Pour s'attaquer à la santé mentale, l'un des besoins les plus pressants des populations déplacées, Médecins Sans Frontières met en place des séances de groupe de soutien psychosocial. Ce modèlede groupe nous permet d'étendre le soutien à un plus grand nombre de personnes tout en identifiant les personnes les plus à risque qui pourraient nécessiter des soins individuels plusintensifs. Cette approche est particulièrement pertinente dans les contextes où le système de santémentale est surchargé et où les ressources sont limitées.

Les migrants éprouvent souvent une combinaison de détresse psychologique (par exemple, SSPT, dépression, anxiété) et de perturbations sociales, notamment l'érosion de la confiance, la rupturedes liens communautaires et l'isolement. Les interventions de groupe favorisent non seulement letraitement émotionnel et le soulagement des symptômes, mais reconstruisent également lacohésion sociale et la résilience – un facteur clé du rétablissement.

De janvier à juin 2025, nous avons organisé 33 sessions de groupe psychosociales, avec un total de257 participants dans deux lieux principaux : Différents Squats et un centre MENA (Mineurs Non-Accompagnés). Les diagnostics les plus fréquents étaient les traumatismes et le stress, la dépression,la psychose et l'anxiété.

Obstacles systémiques à l'adaptation des soins de santé mentale :

S'y retrouver dans le système de santé demeure un obstacle important pour notre population, enraison des difficultés linguistiques, des exigences bureaucratiques et du manque de services adaptés aux personnes vivant dans des conditions sans papiers, précaires ou mobiles.

Malgré nos efforts, pouvoir référer des personnes ayant des besoins complexes demeure reste très limité en raison de multiples obstacles systémiques.

En savoir plus sur la politique de non-accueil et ses conséquences négatives pour les demandeurs d'asile en Belgique? Téléchargez le dernier rapport “Politique de non-accueil, états des lieux”.