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Il a vécu l'horreur et la violence des camps de détention en Libye : témoignage

Les 10, 11 et 12 juin, nos équipes à bord du Geo Barents, navire affrété par MSF, ont procédé à sept sauvetages de personnes se trouvant sur des bateaux en détresse en Méditerranée centrale ; bateaux qu’ils ont pris en Libye, en quête de sécurité et d’un avenir. En moins de 48 heures, nos équipes ont ramené à bord 410 hommes, femmes et enfants, dont une femme enceinte et 91 mineurs non accompagnés.

Geo Barents
Le 11 juin, nos équipes ont secouru 97 personnes d'un bateau en bois en plein détresse au large des côtes libyennes. © Avra Fialas/MSF, 11 juin 2021.

L’une de ces personnes est un homme de 23 ans originaire du Darfour, au Soudan. Il raconte l’horreur vécue par les réfugiés et migrants détenus en Libye.

« J'ai fait le voyage jusqu’en Libye avec d'autres Soudanais du Darfour. Une fois arrivés, nous sommes restés enfermés dans une maison, car il était trop risqué pour les Soudanais, ou les Noirs en général, de se promener dans les rues. Ensuite, j'ai été enfermé pendant un mois dans un centre de détention à Beni Walid, une ville près de la capitale Tripoli. J'ai dû payer pour retrouver ma liberté et rejoindre la ville voisine de Khoms. 

J’ai alors pris un bateau avec 75 autres personnes. À un moment, nous avons vu un avion au-dessus de nous. Deux avions, en fait. Un blanc le matin et un gris la nuit. Juste après, un bateau est arrivé. C’étaient les garde-côtes libyens qui étaient venus nous chercher pour nous ramener en Libye.

« Nous baissions la tête pour ne pas être battus »

Nous avons été ramenés dans un camp. Je ne sais pas où nous étions, peut-être à Tripoli. Là-bas, nous étions battus. Tous. Nous étions dans une pièce où nous étions maintenus dans l'obscurité et où nous n'avions pas le droit de lever la tête, sinon nous étions encore plus battus. Je ne sais pas combien de personnes étaient détenues avec moi. Tous les Soudanais étaient gardés au même endroit tandis que les autres avaient été placés ailleurs.

Puis, les gardes nous ont emmenés dans une pièce plus petite où nous avons dû rester assis pendant deux jours. Après, ils nous ont emmenés en voiture dans un endroit plus grand mais rempli de 740 personnes. Pas de fenêtres. Pas une seule. Vous vous rendez compte, aucune fenêtre. 

« Si je ne payais pas, j’allais mourir »

Nous étions battus tous les jours, avec tout ce que les gardes pouvaient trouver. Sur nos têtes, nos bras, nos jambes - partout où ils voulaient nous blesser. Certaines personnes à côté de moi avaient des bras et des jambes cassés. D'autres ont même reçu des coups sur le crâne. 

Après 19 jours dans l'obscurité et sous les coups, j'ai demandé aux gardes de me libérer. Ma jambe me faisait mal parce qu'elle était infectée. Ils m'ont dit que si je ne payais pas, je resterais et mourrais ici. Ma famille au Soudan a réussi à m'envoyer un peu d'argent. Quand je suis sorti, je ne savais pas où aller.

Je suis resté dans la maison d'un autre Soudanais en attendant que ma famille m'envoie plus d'argent. Jusqu’au jour où j’ai repris un bateau à Zouara, avec 100 autres personnes.

Près de deux jours plus tard, notre bateau a croisé le Geo Barents. Nous n’avions plus d’eau ni de nourriture depuis longtemps et il ne restait que quelques bidons de carburant à bord de ce bateau surpeuplé. »