Confinement, violence et chaos: comment le camp de réfugiés européen traumatise hommes, femmes et enfants à Lesbos
Mercredi 18 Juillet 2018
Avec une population de migrants et de réfugiés en constante augmentation sur l’île de Lesbos, en Grèce, la situation dans le camp de réfugiés de Moria continue de plonger dans le chaos, avec des affrontements et émeutes réguliers, des actes de violence sexuelle, et l’effondrement de l’état de santé mentale des milliers de personnes coincées dans le camp.
Il y a actuellement plus de 8000 personnes entassées dans un espace conçu pour 3000 à Moria. En conséquence, les conditions sont si mauvaises que la santé et la santé mentale des personnes sont gravement compromises. Ces derniers mois, MSF a été témoin de l’escalade de la violence quotidienne à Moria, et a soigné des cas de violence sexuelle qui se sont produits dans et autour du camp.
Une toilette pour 72 personnes
Une grande partie de cette tension est causée par la surpopulation et le manque de conditions de vies humaines et décentes. Dans la zone principale du camp de Moria et d’Olive Grove, il y a en moyenne une toilette fonctionnelle pour 72 personnes et une douche pour 84 personnes. C’est largement en-dessous des standards humanitaires recommandés lors de situations d’urgence.
MSF craint que l’insécurité, le manque de conditions de vie humaines et l’incertitude dans laquelle vivent ces personnes pendant des mois ou des années, ne portent gravement atteinte à la santé mentale des habitants. La clinique MSF spécialisée en santé mentale à Mytilène accepte uniquement les cas sévères de problèmes psychologiques et travaille actuellement à pleine capacité.
« L'autre jour, un jeune homme victime de violence sexuelle a été amené par un ami à la clinique en pleine dépression psychotique. Il avait des troubles de stress post-traumatique et souffrait d’hallucinations et de flashbacks, et ne pouvait pas s’arrêter de pleurer pendant la session qui a duré deux heures », explique Giovanna Bonvini, en charge des activités de santé mentale dans la clinique de Mytilène. « Il a peur de l’obscurité et est constamment terrifié à l’idée d’être attaqué à Moria. L’équipe a commencé à lui prodiguer un traitement et il reçoit des sessions psychologiques intensives, donc il est maintenant stable. Mais il ne pourra pas faire plus de progrès, tant qu’il vivra à Moria : il sera bloqué dans un cycle de désespoir et de détresse ».
MSF, le seul acteur prodiguant de tels soins spécialisés
“La majorité de ces personnes sont de nouveaux arrivants souffrant de symptômes psychotiques dont des hallucinations, de l’agitation, de la confusion, de la désorientation et qui ont de fortes tendances suicidaires ou qui ont déjà tenté de se suicider », explique le Dr. Alessandro Barberio, psychiatre MSF à la clinique de Mytilène.
« Ces quatre dernières semaines, nous recevons un nombre croissant de mineurs souffrant de crises de panique intenses, d’idées suicidaires ou ayant tenté de mettre fin à leurs jours », poursuit le Dr. Barberio. « Les conditions de vie déplorables et la violence quotidienne dans le camp de Moria ont un impact sérieusement préjudiciable sur la santé mentale de nos patients et provoquent chez beaucoup d’entre eux d’importants problèmes mentaux. »
L'appel de MSF
MSF appelle à évacuer les personnes vulnérables de Moria vers des structures où la sécurité est assurée et continue à demander la décongestion du camp. Nous insistons de nouveau sur le fait qu’il est impératif de mettre fin aux politiques de confinement et appelons l’UE et les autorités locales à améliorer l’accès aux soins de santé et la sécurité dans le camp.
Notre expérience montre que la politique de dissuasion de l’accord entre l’UE et la Turquie n’est pas efficace ; les gens vont continuer de fuir la guerre et la terreur pour survivre. Piéger ces gens dans des conditions épouvantables et dans l’insécurité ne fait que traumatiser encore davantage des populations déjà extrêmement vulnérables.