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Utiliser les données pour freiner les épidémies

Lorsqu’une épidémie émerge, les équipes projet s’adressent à des épidémiologistes pour savoir où et à quelle vitesse la maladie se développe et comment elle peut être stoppée. Cette information vient de données enregistrées avec attention par les équipes cliniques, les promoteurs de santé ou les équipes de sensibilisation, puis analysées par un épidémiologiste et son équipe. Les épidémiologistes sont donc cruciaux dans la compréhension de ce qu’il se passe dans une population et comment utiliser cette information pour aider les patients.

L’épidémiologiste belge Neil Saad revient juste de sa 2ème mission et nous explique sa passion pour le terrain.

Où avez-vous entendu parler d’MSF en tant que potentiel employeur ?

Lorsque j’étudiais la santé publique à Londres, je suis allé aux Scientific Days de MSF et j’ai aimé ce que j’y ai vu. Dans le domaine académique, on applique des concepts pour informer sur des changements de politique ou de méthodologie, le plus souvent à échelle annuelle voire même en décennies.

C’était rafraîchissant de voir les concepts que j’étais en train d’apprendre appliqués par MSF aux populations dans le besoin avec un impact vraiment direct. Après avoir obtenu mon diplôme en épidémiologie, je me suis spécialisé dans l’analyse des données de maladies infectieuses et cela m’a d’autant plus convaincu que je souhaitais travailler pour MSF

Ce que j’ai le plus apprécié

«Travailler en contact direct avec le personnel clinique et voir les concepts théoriques que j’ai appris appliqués avec un impact vraiment direct.»

Qu’implique le travail d’un épidémiologiste MSF?

Un épidémiologiste créé des études ou des systèmes de collection de données et analyse les données pour mieux comprendre ce qu’il se passe dans une population. Chez MSF, cela se traduit par la rédaction de protocoles qui donnent un aperçu du planning et de la mise en place d’une étude, le développement et le management de tous les formulaires utilisés pour collecter l’information, la formation des équipes sur l’enregistrement d’information, le maintien des systèmes de base de données, la supervision de l’entrée correcte de données et la conduite de l’analyse de ces données.      

La collecte des données et les analyses sont cruciales pour essayer de comprendre ce qu’il est en train de se passer, qui sont les personnes affectées, où cela se produit et quelles sont les tendances à court et long terme.

Par exemple, s’il y a un nombre croissant de cas venant d’un lieu en particulier. L’épidémiologiste va faire le lien avec les promoteurs de santé, l’équipe de sensibilisation, et le ministre de la santé qui vont rassembler les données pour comprendre pourquoi ces cas viennent de cet endroit et pourquoi le nombre de cas augmente. L’équipe de promotion de la santé et vous pouvez ensuite décider d’envoyer l’équipe de sensibilisation pour sensibiliser la communauté locale non seulement sur quels sont les symptômes de telle ou telle maladie mais aussi sur les pratiques d’hygiène générales comme la défécation ouverte, l’eau, l’hygiène, et les techniques de lavage de main, et encourager les personnes présentant des symptômes à se faire soigner. 

Mais vous devez également penser sur le long terme : qu’est-ce qui conduit l’épidémie ? Quels sont les dynamiques plus profondes et les causes à la racine, et pourquoi l’épidémie persiste ? Tout cela doit alimenter la stratégie plus large de planification. Pour simplifier, les épidémiologistes traitent les chiffres, trouvent des modèles et traduisent les données en explications claires de ce qu’il est en train de se passer et ce qu’ils pensent devoir être fait. C’est important pour que nos collègues puissent utiliser l’information afin de prendre des décisions ou sensibiliser.   

Tout pour les données

« Nous digérons les chiffres, trouvons des modèles et traduisons les données en messages clairs. »

Tu es allé au Cambodge et au Bangladesh. Peux-tu nous parler d’une de tes missions ?

Au Bangladesh, j’étais en poste à Cox Bazar où se trouvaient les installations pour les réfugiés Rohingya. Mon travail consistait à aider avec l’épidémie de diphtérie parmi les réfugiés Rohingya et la communauté d’accueil bangladaise. La diphtérie est une maladie bactérienne transmise par les gouttelettes, les éternuements et la toux. Cela peut être très mortel si ce n’est pas traité et cela affecte surtout les enfants et les femmes.

Il est difficile de se préparer à la vue d’un camp de réfugié aussi immense. Les conditions dans les camps de réfugiés sont terribles. La zone est vallonnée et n’est pas adaptée pour une telle densité de population, l’accès à l’eau claire et aux toilettes propres est limité, et le risque d’inondation et de glissement de terrain est important. Ces conditions de grande proximité combinées avec d’importantes pluies et des logements en mauvais état sont les bases parfaites pour la propagation du virus.    

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Tu y étais seulement pendant 2 mois. Comment as-tu fait la différence ?

Plus de 5.500 patients atteints de diphtérie ont été traités par MSF. Mon équipe et moi avons amélioré les systèmes de collection des données pour s’assurer que les patients étaient correctement documentés sur à peu près 10 types de formulaires, du formulaire d’admission au formulaire de suivi après 90 jours. Un système efficace et simple, et une bonne documentation nous ont permis de trouver facilement les membres des familles pour pouvoir les traiter afin d’éviter que la transmission du virus continue et suivre chaque patient pour être sûr qu’il soit vraiment guéri. J’ai également fait le lien avec l’équipe de promotion de la santé pour s’assurer que la communauté était consciente de l’importance de se rendre dans un centre de santé en cas de symptôme. L’épidémie était presque finie quand je suis parti mais nous devons continuer à être conscients que la maladie est toujours sous-jacente dans la communauté. Lorsque les gens ne voient plus de cas de malades autour d’eux, ils peuvent penser que l’épidémie est terminée, et attendre avant de consulter un médecin. Cela pourrait entraîner plus de patients mourants s’ils ne sont pas traités pendant trop longtemps.

Ce qui m’a surpris est la résilience des réfugiés Rohingya. Ils ont horriblement souffert et vivent dans des conditions très difficiles mais ils gardent quand même espoir. J’ai été particulièrement impressionné par nos volontaires Rohingya qui étaient toujours motivés et qui se rendaient dans la communauté tous les jours.  Ils souhaitaient réellement aider leurs compatriotes et éradiquer la maladie. 

Peux-tu nous en dire plus sur le travail avec les collègues nationaux ? Est-ce que tu manageais une équipe ?

Bien sûr, pas besoin de traiter toutes ces données tout seul. Au Bangladesh, j’avais une équipe de 7 greffiers nationaux et des data entry officers pour m’assister. Ils étaient très enthousiastes, travaillaient pour MSF depuis longtemps et avaient envie d’apprendre. Je n’étais là que pour 2 mois alors que certains collègues nationaux étaient là depuis le début de l’épidémie.

Mon approche pour manager l’équipe fut tout d’abord d’écouter et observer leur façon de travailler, puis j’ai essayé de les aider avec des choses qu’ils n’avaient pas vues, ou de leur apprendre quelque chose de nouveau, d’essayer de les aider si le projet avait besoin d’être un peu peaufiné et modifié. Je pense qu’il est important de les aider à ce qu’ils font mais que nous pouvons également apprendre d’eux et de leur expérience.

Mon plus gros challenge a été de les faire garder leur enthousiasme et continuer à entrer les datas correctement. J’essayais d’insister sur la nécessité d’être rigoureux et de faire attention aux détails de façon continue parce que s’il y a une erreur, les données sont erronées. 

Manager des équipes

« Tout est une question de maintenir la qualité de l’enregistrement et l’entrée des données et garder l’enthousiasme des équipes.»

Quelles qualités un épidémiologiste MSF possède-t-il?

Vous devez être flexible, analytique, orienté détail, très précis, et capable d’expliquer des pensées compliquées de façon simple. Si vous faites des erreurs dans l’analyse de vos données, vos erreurs sont prises en compte par les cliniciens, les coordinateurs et même les personnes qui prennent des décisions.

De plus, quand vous travaillez pour MSF vous êtes là pour servir les besoins des populations. Ils peuvent changer très rapidement. Imaginez qu’un cyclone arrive, ou une forte pluie qui cause de nombreuses victimes. Vous devez être prêt à arrêter ce que vous êtes en train de faire, réorganiser vos équipes et mettre en place un nouveau système entier pour gérer cette situation.

Que diriez-vous à un épidémiologiste qui souhaiterait postuler chez MSF?

Vous devez être prêt à être loin de vos proches pour de longues périodes. MSF essaiera de vous fournier un bon accès à internet ou un téléphone mais ce ne sera pas toujours le cas. Vous n’aurez pas forcément la meilleure nourriture ou le lit le plus confortable mais vous devez accepter cela comme faisant partie du job. Je trouve que cela a beaucoup de sens d’impacter directement les vies des personnes qui ont besoin de votre aide.

Si vous aimez les données, pouvez les analyser ou en faire quelque chose de sensé, êtes très attentif aux détails et voulez travailler dans un environnement interdisciplinaire en proche collaboration avec des promoteurs de santé et des équipes cliniques pour essayer de gérer le développement d’une maladie ou empêcher une épidémie d’arriver, alors ce travail est pour vous.

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