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Une heure en compagnie de notre collègue Marie, infirmière MSF en Ukraine

Country
Ukraine
Theme
Conflits

Notre collègue Marie Burton, infirmière MSF vient de rentrer d'Ukraine après avoir coordonné notre formation médicale. Marie parle des patients que nous avons évacués, des moments de peur qu'elle a vécus et de la force incroyable de ses collègues ukrainiens.

Début avril, j'ai reçu une proposition de Médecins sans frontières pour participer à la coordination du train médical qui évacue les patients du front en Ukraine. J'ai parlé à Brice, qui organise toute l'aide d'urgence pour l'Ukraine depuis Bruxelles. Je lui ai dit que je cherchais un travail physique, sans trop de paperasse. Il m'a dit que ce serait exactement ce genre de travail, mais qu'il se peut que je ne dorme pas pendant 3 jours d'affilée. Sauf qu' en réalité, ce n’est pas pendant 3 jours que je n’ai pratiquement pas dormi, c’est pendant 1 mois.

Marie (links op de foto) werkte sinds april op onze medische trein in Oekraïne.
Marie (à gauche) travaille à bord de notre train médicalisé en Ukraine depuis le mois d'avril. © S. Mourlon/MSF

Le travail des collègues ukrainiens est phénoménal

J'ai déjà travaillé avec MSF à Gaza, en Syrie, en Irak, en République centrafricaine... Je connais donc assez bien les tenants et aboutissants du terrain. Lorsque vous démarrez une nouvelle intervention, vous partez de zéro et vous devez mettre en place beaucoup de choses rapidement. Le travail effectué par le personnel local est inestimable. En Ukraine, la rapidité avec laquelle le train est devenu opérationnel a été sans précédent. Il n'a fallu que quelques jours pour qu’un simple train devienne entièrement médicalisé et pour assurer un service de soins intensifs aux blessés, on a dû ajouter au train un énorme générateur avec tout le fuel nécessaire pour le faire tourner.

L'adrénaline montre à chaque entrée en gare

Nous utilisons le train pour évacuer des patients (parfois gravement blessés et dans un état critique) des lignes de front de l'est vers des lieux plus sécurisés à l'ouest de l'Ukraine. Dans le train, notre travail consiste surtout à stabiliser les patients et de les orienter vers les hôpitaux qui sont encore fonctionnels. Le train fait des allers-retours tous les 3 jours mais les trajets peuvent varier d’une fois à l’autre. A chaque arrêt, l’adrénaline monte parce qu’on ne sait pas comment ça va se passer exactement, si les ambulances seront là, quels types de blessures on va devoir gérer… Entre ce qui est annoncé sur papier et la réalité, il y a une grosse différence. Et puis, pour des raisons évidentes de sécurité, on ne peut pas rester longtemps car les gares en Ukraine sont parfois des cibles. Tout le monde doit monter à bord le plus rapidement possible.

Les patients à bord de notre train médicalisé

Nos patients à bord ? De nombreuses personnes âgées sont restées pendant des semaines dans le froid d'un bunker, sans aucun équipement et totalement démunis, beaucoup avaient des escarres et des plaies purulentes. Il y avait une odeur âcre dans le train. Nous étions tous choqués de les voir ainsi et surtout d’imaginer ce qu’elles avaient dû vivre pendant des semaines sous terre, sans assistance.

Nous avons également transporté de nombreux grands brûlés qui avaient été touchés par des bombardements. Certains sans vêtements, sans papiers, sans rien. Ils sont littéralement venus nous voir avec un sac en plastique à la main, dans lequel se trouvaient une bouteille d'eau et un paquet de mouchoirs.

Portrait de Marie Burton, infirmière MSF en Ukraine
Portrait de Marie Burton, infirmière MSF en Ukraine. © S. Mourlon/MSF

"Mon Dieu, comment est-ce possible ?"

Je me souviens aussi d'un petit garçon qui avait un morceau de métal dans la tête. Il était paralysé d'un côté et ne pouvait pas parler. Il avait besoin en urgence d'une opération très spécialisée. Et, bien sûr, l'hôpital du front n'avait pas les ressources pour cela. J'ai vraiment pensé plusieurs fois : "Mon Dieu, comment est-ce possible ?" et je suis habitué à cela après toutes ces années. Parce que ce n'est pas ma première situation de crise. Je comprends que la guerre en Ukraine touche de nombreuses personnes en Europe, simplement parce qu'elle se déroule si près de chez elles. Mais je vous assure que l'horreur de la guerre et des conflits, proches ou lointains, est la même partout.