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Sanny, logisticienne : « Je garde toujours les patients à l’esprit »

Sanny, une logisticienne d’origine gréco-égyptienne, se décrit comme polyvalente et dotée de capacités techniques. Elle a travaillé pendant près de 10 ans pour une autre ONG avant d’envisager MSF. Lors de sa première collaboration avec MSF, elle était chargée de la logistique d’un camion qui voyageait d’une ville à l’autre dans toute la Grèce pour sensibiliser la population et lever des fonds. Cette expérience l’a convaincue de poser sa candidature pour un poste sur le terrain. Plus de 8 ans et 9 missions plus tard, elle partage son expérience avec nous.

Pendant ces 8 années, quelles opportunités d’évolution de carrière se sont offertes à toi ?

MSF offre la possibilité d’évoluer rapidement dans sa carrière, si c’est ce que l’on recherche. Pour ma part, j’ai choisi de prendre mon temps. Je voulais d’abord achever quelques missions en tant que logisticienne, pour comprendre les différences entre les projets et m’assurer que j’étais prête. Trois missions plus tard, je suis devenue chef d’équipe logistique, une fonction qui consiste notamment à superviser des équipes plus larges. J’ai ensuite participé à plusieurs missions en tant que logisticienne « mobile », pendant lesquelles j’ai rendu visite à plusieurs projets et partagé mon expertise, avant de devenir coordinatrice logistique adjointe et enfin coordinatrice logistique.

Pour être franche, je préfère les missions à long terme aux missions d’urgence : elles me donnent le temps de comprendre le contexte, de planifier à plus long terme et de voir les collègues locaux devenir plus autonomes.

Peux-tu nous décrire le travail d’un logisticien sur le terrain ?

Je me suis rendu compte que ce travail ne correspondait pas à l’image que je m’étais faite au départ : je pensais principalement réparer des générateurs ou changer des jantes, mais en fait le coté administratif est bien plus prononcé. Stratégie et technique – suivant le projet – sont les deux piliers principaux de cette fonction, mais le travail proprement dit est très varié : planification stratégique, formation et encadrement de l’équipe, adaptation à des contextes variés, analyse des risques, etc. Sans parler du travail causé par les imprévus : une coupure de courant, une voiture qui tombe en panne, un générateur qui ne fonctionne plus, des lenteurs de la communication satellite, une imprimante qui rend l’âme au pire moment. L’équipe doit régler le problème aussi vite que possible.

missions à long terme versus missions d’urgence

« Pour être franche, je préfère les missions à long terme aux missions d’urgence : elles me donnent le temps de comprendre le contexte, de planifier à plus long terme et de voir les collègues locaux devenir plus autonomes »

Qu’est-ce qui t’aide à surmonter les moments difficiles pendant ces longues missions ?

Parfois, on est tellement pris par le travail qu’on oublie pourquoi on est là : pour les patients. Mais voir un patient sortir d’un poste de santé ou d’une clinique mobile avec le sourire, et savoir qu’on y a contribué, par exemple en les amenant à bon port, ou bien en érigeant la structure de santé : c’est l’expérience la plus gratifiante que je connaisse ! Pendant les missions, j’ai toujours essayé de trouver le temps de rendre une visite à l’hôpital et de rencontrer quelques patients. C’est ma technique pour prendre du recul et me motiver à trouver une meilleure solution aux problèmes techniques. Je suis fière de jouer mon rôle pour leur offrir les meilleurs soins possibles.

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Comment se déroule la collaboration entre les logisticiens et les équipes médicales ?

Lorsque je rejoins un projet, je consulte toujours l’équipe médicale en premier. Ils m’ont appris tellement de choses, comme par exemple le fonctionnement du flux de patients dans un hôpital. Ceci dit, les équipes médicales sont une espèce à part (rire). Quand ils ont besoin de quelque chose, ils se débrouillent toujours pour vous trouver, où que vous soyez, pour vous expliquer de manière convaincante pourquoi ils ont besoin de l’aide – toujours urgente – de l’équipe logistique. Notre travail consiste à identifier comment les aider au mieux : dans cette situation, est-ce qu’il vaut mieux suivre les directives et règlements à la lettre, même si ça prend un peu plus de temps, ou bricoler une solution de fortune pour aider le patient ?

Peux-tu nous donner un exemple de collaboration entre l’équipe médicale et logistique ?

Le manque de place est un problème récurrent en milieu hospitalier. Il y a une limite au nombre de lits qu’on peut installer dans une pièce, mais l’équipe médicale veut venir en aide à toujours plus de patients, quitte à augmenter le risque d’infections. Une solution logistique à ce problème pourrait consister à abattre un mur, au lieu de bâtir une structure adjacente supplémentaire. Ou bien de changer l’orientation des lits, afin de libérer plus de place et de faciliter le passage. On peut même sortir toutes les armoires de la pièce. Ce n’est pas toujours la meilleure solution à long terme, mais cela vous permet de régler le problème temporairement.

As-tu rencontré des barrières culturelles ?

En tant que logisticienne dans une profession dominée par les hommes ? Et comment ! Parfois, les habitudes culturelles ou la barrière de la langue peuvent à la fois compliquer le travail et engendrer des situations hilarantes. Lorsque j’ai fait la connaissance de mon équipe de chauffeurs lors de ma première mission en République centrafricaine, l’idée d’avoir une femme en tant que chef d’équipe leur paraissait tellement étrange qu’ils ont tous éclaté de rire. J’ai organisé un atelier le jour même, au cours duquel ils devaient changer les jantes et les pneus des véhicules. Pas un seul n’en était capable et j’ai dû leur apprendre comment procéder. J’ai pu gagner leur respect en leur démontrant mes compétences et mon sens de l’humour. En Afghanistan, j’ai eu moins de difficultés à être acceptée par l’équipe (uniquement des hommes) en leur donnant beaucoup de responsabilités, en les tenant informés, en les laissant participer aux décisions et en les écoutant.

Comment ta motivation a-t-elle évolué au cours des 8 années de travail pour MSF ?

Mon courage s’est affermi au cours des années, et j’ai davantage d’énergie. Ce type de travail est difficile. Il faut quitter tout ce qu’on connait, apprendre à vivre ailleurs et trouver sa place au sein de l’équipe. J’appréhende chaque nouveau départ, particulièrement quand je suis envoyé dans un environnement instable. Mais c’est là que les patients ont besoin de nous. Pouvoir leur venir en aide me motive.

Quelles sont les qualités nécessaires pour être logisticien chez MSF ?

Il faut savoir écouter, être très patient, et toujours garder les bénéficiaires à l’esprit. Il faut aussi être flexible et capable de proposer des solutions variées. Tu peux être un expert en logistique, mais le plus difficile reste de s’adapter à la réalité sur le terrain. Quelle est la situation sécuritaire ? Des problèmes sont-ils susceptibles de se produire sur le marché local ? Est-il possible d’utiliser les routes pendant la saison des pluies ?

Il ne faut jamais oublier qu’on est un simple visiteur dans le pays, et qu’il faut savoir montrer un certain respect en suivant les règles et en s’adaptant à la culture.

LES QUALITÉS NÉCESSAIRES

Le plus difficile reste de s’adapter à la réalité sur le terrain. Quelle est la situation sécuritaire ? La chaleur nous jouera-t-elle des tours ? Des problèmes sont-ils susceptibles de se produire sur le marché local ? Est-il possible d’utiliser les routes pendant la saison des pluies ?