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Elysé, infirmier en Centrafrique: la violence empêche les personnes d'accéder aux soins

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Conflits

« Je viens de Boguila, dans le nord-ouest du pays. C’est là où j’habite et où je travaille comme infirmier avec MSF depuis presque 10 ans. La situation là-bas  ? Ah, ce n’est pas bon. Jusqu’au point où, même moi, je commence à penser qu’il ne faut pas y rester. Il y a plusieurs groupes armés actifs dans la zone, dont un veut s’installer dans la ville. Evidemment les chefs de la communauté ne veulent pas que ce groupe-là fasse de Boguila un fief. Maintenant le groupe est en train de les chasser, les tuer systématiquement à cause de leur opposition.

Elysé © Sandra Smiley, MSF.
Elysé © Sandra Smiley, MSF. République Centrafricaine, 2016. 

Les éléments de ce groupe se cachent dans la forêt. Ils pillent les villages et s'en prennent aux gens quand ils ont besoin d’argent ou d’autre chose. Ils sont aux aguets dans la brousse le long des routes principales et ils sautent sur les personnes qui passent – ils prennent tout ce qu’elles ont, et après les avoir dépouillées ils les tabassent ou ils les tuent. Tous les deux, trois jours on entend parler d’une telle histoire ! Les groupes armés ne restent pas longtemps car ils sont chassés par les groupes d’autodéfense. 

La peur force les gens à éviter les soins

La conséquence de tout ça: les gens ont peur de se déplacer pour venir à l’hôpital. MSF est la seule structure qui offre des soins gratuitement dans la région. Nous devinons parfois qu’un groupe armé se trouve sur un axe par le simple fait qu’il n’y a plus personne qui vient de cette zone. Quand il y a des hommes armés sur les routes, nous ne voyons aucun patient. Nous ne savons pas combien de vies pourraient être sauvées si ces personnes avaient accès à nos services. 

Christelle, 19 ans, a donné naissance à son enfant au centre de santé de Boguila
Christelle, 19 ans, a donné naissance à son enfant au centre de santé de Boguila  © Giorgio Contessi. République Centrafricaine, 2016. 

En juin et juillet derniers, un chauffeur de mototaxi a été tué sur la route autour de Boguila. Il aurait été braqué et quand les bandits en ont fini avec lui ils l’ont tué. Les mototaxis ne voulaient plus quitter la ville par peur que la même chose ne leur arrive. Du coup c’était impossible de trouver un transport pour emmener les malades à la structure de santé de référence. Deux bébés sont morts d’une anémie liée à la malaria pendant cette période, parce que nous n’avons pas pu les référer.

De même, un jeune homme de 21 ans est mort de la méningite il n’y a pas longtemps. Sa famille l’avait amené à l’hôpital vers 7h du matin, alors qu’il avait commencé à se sentir malade pendant la nuit. A cause de l’insécurité, ils ne voulaient pas quitter la maison durant nuit. Dans leur village, un homme avait été braqué, égorgé et son cadavre retrouvé dans la brousse quelques jours avant. Au matin, ils ont donc pris la route pour le centre de santé. Mais le jeune homme est arrivé dans un état très critique. J’étais en train de remplir sa fiche d’admission quand il est décédé. 

Ces problèmes d’accès touchent aussi les personnes vivant avec le VIH/Sida à Boguila.  Elles viennent régulièrement recevoir leurs médicaments, et si jamais elles tombent malade d’une infection opportuniste, on les soigne à Boguila. Dans un seul village, 4 patients que nous suivions sont décédés chez eux car ils n’ont pas pu se déplacer pour avoir leur traitement. C’est vraiment dramatique. 

Clinique de Boguila en Centrafrique © Giorgio Contessi
Clinique de Boguila en Centrafrique © Giorgio Contessi. République Centrafricaine, 2016. 

Nous ne connaissons pas l’impact réel de ces violences sur la santé des populations. Quand le niveau d’insécurité est trop élevé, les habitants de la région ne bougent pas de chez eux et donc n’arrivent pas au centre de santé. Certaines mamans qui amènent leurs enfants à l’hôpital trop tard nous disent : « je préfère rester enterrer mon enfant chez moi que d’essayer de me déplacer et me faire attaquer sur la route. C’est un choix impossible ». 

MSF à l'hôpital de Boguila

MSF apporte son soutien à l’hôpital de Boguila pour les consultations externes, le service VIH/SIDA, les activités de santé reproductive, la pharmacie, le laboratoire, la vaccination, et la nutrition ambulatoire. Une équipe internationale basée à Paoua se rend une fois par semaine à Boguila pour soutenir le personnel local. De janvier à juin 2016, l’équipe MSF a dispensé 33 700 consultations, dont 66% étaient dues au paludisme.