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Combattre le Covid-19 au sein de la communauté : « le virus ne s’arrête pas à la porte des hôpitaux »

Country
Belgique
Theme
Épidémies

Emmanuelle Bricq, promotrice de la santé expérimentée chez MSF, fait partie d’une équipe mobile de sensibilisation à Bruxelles. Depuis le début des opérations de MSF contre le Covid-19 dans la capitale, Emmanuelle et ses collègues sont venus en aide à plus de 30 structures à Bruxelles. Pourquoi est-il si important de combattre le virus également au sein de la communauté ? Retour sur ce pilier indispensable de la lutte contre l’épidémie en 3 questions.

emmanuelle bricq
Emmanuelle Bricq à  Toamasina, à Madagascar, en 2017. © RIJASOLO/Riva Press, octobre 2017.

Bonjour Emmanuelle, pourquoi faut-il combattre le Covid-19 non seulement dans les hôpitaux et structures médicales, mais également au sein de la communauté ?

« Par expérience, nous savons que l’on n’arrête pas une épidémie dans un hôpital. C’est encore plus vrai pour une maladie comme le Covid-19 pour laquelle il n’existe pas de vaccin ni de traitement. Dès lors, il est essentiel de pouvoir changer nos comportements pour arrêter la propagation de l’épidémie dans la communauté.

En Belgique, nous avons un système de santé fonctionnel. Nous entendons des messages de prévention et de sensibilisation qui sont diffusés en masse dans les médias, mais il y a toujours des personnes oubliées du système. Celles-ci n’ont pas accès aux mêmes informations et parfois, elles ne parlent pas notre langue.

Notre rôle avec l’équipe de sensibilisation consiste notamment à donner une information correcte à cette population oubliée sur ce qu’est la maladie, son mode de transmission et comment la prévenir. Mais aussi : que faire en cas de symptômes ? En tant que promoteurs de la santé, notre but est de renforcer le fait que les gens soient acteur de leur propre santé mais pour cela, il faut qu’ils aient toute l’information nécessaire et que l’application des mesures de prévention soit réalisable dans leur milieu de vie. »

Concrètement, quel a été l’impact de l’équipe de sensibilisation à Bruxelles ?

« En tout, nous avons aidé plus de 3000 bénéficiaires via notre visite au sein d’une trentaine d’établissements. Il s’agit de structures d’accueil et d’hébergement pour personnes migrantes et sans-abri, ou de plateformes de distribution de nourriture. Ce sont notamment des structures bruxelloises de la Plateforme citoyenne de soutien aux Réfugiés ou des centres d’accueil de jour qui ont dû adapter leur fonctionnement aux exigences du confinement.

Le travail de promotion de la santé aide à ce que le système de santé et les hôpitaux ne soient pas surchargés. On évite la panique et la diffusion de certaines rumeurs. Les gens sont parfois noyés dans l’information et donc des rumeurs surgissent. C’est notre rôle de pouvoir en parler avec les personnes et déconstruire avec elles ces informations erronées. »

Près de 300 personnes - sans-abri, migrantes et/ou demandeuses d’asile – présentes lors d’une distribution de nourriture et de kits d'hygiène soutenue par MSF, la Croix Rouge et Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés. © Albert Masias, avril 2020.
Près de 300 personnes - sans-abri, migrantes et/ou demandeuses d’asile – présentes lors d’une distribution de nourriture et de kits d'hygiène soutenue par MSF, la Croix Rouge et Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés. © Albert Masias, avril 2020.

Vous avez déjà réalisé pas mal de missions à l’étranger avec MSF. Quel est votre sentiment aujourd’hui de travailler sur une telle épidémie en Belgique ?

« Ce qui m’a marquée, c’est le dévouement et l’implication des gens que l’on rencontre chaque jour sur le terrain. C’est réellement une leçon de vie. Ces personnes travaillent, parfois bénévolement, dans des structures d’accueil pour sans-abris par exemple. Elles sont restées en poste, malgré la peur de l’épidémie, les adaptations nécessaires, le peu de protection disponible et les conditions de travail difficiles. Leur engagement est remarquable.

En ce qui concerne le fait de travailler au sein de ma propre communauté, c’est un sentiment ambivalent. D’un côté, je suis contente de pouvoir apporter mes compétences en Belgique, qu’elles puissent y être utiles. Ça permet à ma famille et mes amis de mieux comprendre ce que je fais d’habitude loin d’ici.

Cependant, c’est loin d’être évident d’être active dans sa propre communauté. En effet, c’est plus compliqué de garder la tête froide. Ici on s’inquiète pour nos proches, on est plongé au sein l’épidémie. Par exemple, ma grand-mère vit dans une maison de repos touchée par l’épidémie. Il est impossible pour moi de ne pas y penser. Je reçois les informations de mes collègues qui travaillent dans les maisons de repos et donc difficile de se déconnecter de cette situation. C’est particulièrement éprouvant sur la durée.

Mais œuvrer en Belgique m’aide à mieux comprendre ce que les promoteurs de la santé locaux, dans les pays où l’on travaille d’habitude avec MSF peuvent vivre lors d’une épidémie. C’est certain que cette expérience va m’aider dans mes prochaines missions. »