Helle revient de Maiduguri – la capitale de l’Etat de Borno au nord-est du Nigeria- où elle était coordinatrice du programme de MSF. Elle explique qu'énormément d'enfants souffrant de malnutrition sont arrivés dans les infrastructures médicales de MSF dans une région déchirée par le conflit entre Boko Haram et l’armée nigériane.
Quelle est la situation à Maiduguri?
Nos équipes sont confrontées à beaucoup de cas d’enfants souffrant de malnutrition aigüe et à un nombre croissant de cas de malaria. Nous ne nous attendions pas à cela dans la capitale, où il n’y a pas de conflit et où les organisations d’aide sont en contact avec la population.
À certains endroits, les taux de malnutrition étaient aussi élevés que ceux enregistrés dans les zones de conflit. Nous avons mené des distributions de nourriture dans un camp, c’était les premiers vivres que les 8000 personnes présentes recevaient en quatre mois.
Quelles étaient les principales difficultés?
Notre triage était totalement submergé par le nombre d’enfants de moins de cinq ans, ce sont les plus vulnérables. Mais nous avons également fait face aux décès de bien trop d’enfants plus âgés. Ils ont été victimes des effets de la malaria sur leurs corps déjà affectés par la malnutrition, et nous n’avons pas su combattre la maladie. C’est pourquoi je continue de dire aux équipes : « Tout est à propos de la nourriture ».
Nous avons réalisé des distributions de nourritures ciblées vers les familles qui avaient minimum six enfants dont au moins un des enfants avait moins de cinq ans. Cà ne remplace pas la distribution de nourriture qui est nécessaire pour les personnes déplacées qui vivent dans les camps ou dans la communauté. Ce qui complique les choses, c’est que 90% des personnes déplacées sont hébergées par les communautés à Maiduguri dans des conditions compliquées : hygiène et situation sanitaire inadéquates. Atteindre ces personnes reste donc difficile.
Comment MSF réagit face à cette urgence?
Pour faire face à l’afflux de patients, nous avons tout d’abord augmenté notre capacité à gérer ces personnes en recrutant du personnel nouveau pour former notre personne existant à recevoir et à traiter un nombre important de nouveaux cas urgents. Ensuite, nous avons travaillé sur le management de nos structures médicales. Par exemple, dans notre clinique de Maimusari, nous avons des infirmières qui s’occupent des patients qui font la queue, assurent l’identification de ces personnes, ce qui nous permet ensuite de donner les soins nécessaires aux cas les plus sévères.
Nous avons mené une campagne de de distribution de quatre jours comprenant de la nourriture, des moustiquaires, des matelas, des couvertures et du savon. Nous avons agi via une clinique mobile qui permettait de faire, simultanément, de faire une évaluation médicale ainsi que de procurer des traitements préventifs tels que la vaccination contre la rougeole et la prophylaxie contre la malaria saisonnière. Nous maintenons notre intervention dans les camps à Maiduguri.
Quels sont vos principales inquiétudes pour le futur?
La saison pluvieuse a été courte, avec peu de pluie, ce qui a créé les conditions optimales pour que les moustiques se développent. Quand la saison chaude arrivera, la population entière sera encore affaiblie par la malnutrition et sera massivement exposée au paludisme, exacerbé par les mauvaises conditions de vie. Leurs villages ont été détruits, leurs stocks volés, leurs champs et récoltes pillés. Ils auront besoin du plus de soutien possible dans les camps et la communauté de Maiduguri.
Cette crise est toujours d’actualité. Une approche compréhensive et collaborative doit être implémentée, y compris de la distribution de nourriture par les agences d’aide et les autorités.
MSF à Maiduguri
MSF a trois projets à Maiduguri. À Gwange, nous gérons un centre thérapeutique de 102 lits où nous hospitalisons les enfants souffrant de complications suite à une malnutrition sévère aigue. À Maimusari, nous gérons deux départements afin de procurer des soins aux enfants malnutris dans leur communauté avec un centre de nutrition thérapeutique ambulant. Nous procurons des soins obstétriques d’urgence pour les enfants et nouveau-nés, dont les vies sont les plus à risque au moment de la naissance. À Bolori, nous gérons des services de santé généraux et de soins nutritionnels.