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Ebola en Ouganda : "Nous ne saurons jamais tout du puzzle épidémiologique".

Cela fait 23 jours que le dernier cas confirmé d'Ebola a été signalé en Ouganda : un bébé mort-né d'une mère ayant survécu à la maladie.

Face à la variante soudanaise du virus Ebola, MSF répond par la création de centres et d’unités de traitements, en soutenant le ministère ougandais de la Santé pour la gestion des cas dans ces structures, et en menant des activités de proximité telle que la promotion de la santé et des mesures de protection.

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Depuis le 20 septembre 2022, date à laquelle l'épidémie d'Ebola a été déclarée en Ouganda, MSF travaille aux côtés du ministère de la Santé pour soutenir les soins médicaux dans le pays, ©MSF, octobre 2022

Ce que font les épidémiologistes pour aider à endiguer les épidémies d'Ebola

Au cours d'une épidémie, les épidémiologistes documentent chaque cas et ses contacts pour un suivi dans le temps et dans l'espace afin de s'assurer que la compréhension globale de la propagation de l'épidémie est aussi complète que possible. Des enquêtes approfondies sur les antécédents de chaque patient atteint du virus ébola doivent être menées afin de les relier aux cas précédents et d'anticiper les endroits où la maladie pourrait se propager, en fonction des mouvements et des contacts antérieurs de la personne. C'est pourquoi, le travail des épidémiologistes consiste à collecter des données, à produire des cartes et des courbes épidémiologiques, le tout contribuant à informer les équipes de réponse de MSF au quotidien.

Les épidémiologistes s'efforcent également de comprendre le contexte et de recueillir des données qualitatives sur la façon dont la communauté perçoit les mesures de prévention et les politiques de réponse aux épidémies. C'est en comprenant et en interprétant ces informations au niveau mondial que MSF contribue à soutenir le ministère ougandais de la Santé.

Au cœur de ces interventions médicales, on retrouve Denis Ardiet qui travaille pour Epicentre, la division épidémiologie de MSF. Il coordonne actuellement une équipe de sept épidémiologistes impliqués dans la réponse actuelle à Ebola en Ouganda. Son travail consiste à analyser rigoureusement la situation épidémiologique et les différents scénarios possibles de cette épidémie afin d'améliorer la réponse de MSF et du ministère ougandais de la Santé.
Afin de nous aider à mieux comprendre l’état du virus en Ouganda et la réponse de MSF afin de diminuer le taux de propagation et de mortalité de celui-ci, le Denis Ardiet a accepté de répondre à trois questions.

Quelle est la tendance actuelle de l'épidémie en Ouganda ?

En termes de tendances, nous avons observé deux pics importants dans l'épidémie. Le premier a eu lieu en septembre, dans le district de Mubende qui a été le premier épicentre de cette épidémie. Un autre a suivi dans le district voisin de Kassanda. Si les cas recensés dans ces deux districts représentent à eux seuls 80 % de tous les cas détectés jusqu'à présent dans cette épidémie, neuf districts du pays ont été touchés. Historiquement, il s'agit de la plus grande propagation géographique d'Ebola à laquelle l’Ouganda ait jamais été confronté.

Après une forte augmentation du nombre de cas en octobre (86 cas en 4 semaines), l'épidémie a ralenti en termes de nombre de nouveaux cas confirmés ces dernières semaines (14 cas en 4 semaines en novembre). Cependant, nous sommes très préoccupés par le fait que plusieurs cas d'Ebola n'étaient liés à aucune chaîne de transmission connue. Cela qui signifie qu'ils avaient acquis l'infection à partir d'une source inconnue au moment où ils ont été découverts, et que la réponse n'a pas pu prévoir ces cas comme ils auraient dû l'être grâce à la recherche des contacts et au suivi.

Le suivi des contacts des cas est extrêmement important pour contrôler une épidémie. Lorsque nous sommes en mesure d'identifier à temps toutes les personnes qui ont été en contact avec un cas confirmé, nous pouvons surveiller leur santé et les aider à se faire soigner rapidement dans le bon établissement de santé au cas où des symptômes liés à Ebola se développeraient. Pourtant, d'après les données du ministère de la santé, seuls 64 % environ des contacts des cas ont fait l'objet d'un suivi initial. Cela révèle des lacunes dans cet aspect crucial de la réponse. Si la tendance épidémiologique globale est désormais positive, nous restons préoccupés et vigilants quant à ce qui pourrait encore se produire.

Quels sont les scénarios futurs possibles ? 

Il n'y a pas qu'une seule issue possible. Tout est encore possible ...

Selon le premier scénario, la tendance à la baisse se poursuit et il n'y a plus de nouveaux cas à l'approche de la fin de l'épidémie. Le deuxième scénario est que de nouveaux cas occasionnels apparaissent ici et là, peut-être dans différents districts. Enfin, le troisième scénario prévoit une augmentation du nombre de nouveaux cas en vue d'un nouveau pic de transmission.

Tous ces différents scénarios nécessiteront des réponses opérationnelles correspondantes de la part des équipes MSF et des équipes du ministère de la Santé, avec lesquelles nous travaillons en étroite collaboration. Nous dépendons beaucoup de leurs données, d'autant plus que nous n'effectuons pas nos propres tests de laboratoire ni nos propres enquêtes sur les cas. Ensemble, nous travaillons sur des actions de surveillance sanitaire cruciales pour la réponse.

Quels efforts seront nécessaires ?

La manière dont MSF peut soutenir au mieux les autorités sanitaires ougandaises dépend des besoins de la situation actuelle. Nous devons évaluer ce qui a le plus de sens et nous pourrions adopter une approche d'équipe de réponse rapide à plus petite échelle. Il pourrait s'agir d'une approche plus communautaire, plus proche de l'endroit où vivent les patients, plutôt que de mettre en place des centres de traitement de grande taille dans les districts.

Il est également essentiel de veiller à ce que les soins non liés à Ebola se poursuivent dans les zones touchées et que la gestion curative et préventive des cas de paludisme soit en place, étant donné que les symptômes initiaux d'Ebola et de paludisme sont similaires. Nous aidons le ministère de la Santé à renforcer les capacités de détection et d'isolement des cas dans les établissements de santé existants afin qu'ils puissent réagir rapidement à toute nouvelle alerte ou à tout nouveau cas et réduire rapidement les risques d'une propagation plus large. Du côté des communautés, le ministère de la santé maintient une surveillance sanitaire pour s'assurer qu'il n'y a pas de transmission en cours. Tous ces efforts doivent être maintenus avec vigilance jusqu'à ce que l'épidémie soit officiellement déclarée terminée - après 42 jours sans nouveaux cas, ou deux fois la période d'incubation du virus de l'ébola de 21 jours.

Il est toujours difficile de prévoir la fin d'une épidémie car on a affaire à l'inconnu. Nous ne saurons jamais tout du puzzle épidémiologique et nous ne pouvons que nous assurer de rassembler autant d'informations pertinentes que possible.