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Dix ans après le séisme en Haïti, les structures de santé au bord de l’effondrement

Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre de magnitude 7 a frappé Haïti, faisant des milliers de morts et de blessés, laissant des millions de personnes sans abri, et décimant de nombreuses infrastructures dans le pays. Il a aussi détruit 60% du système de santé haïtien, qui était déjà en difficulté avant le séisme. Médecins Sans Frontières a alors lancé l'une de ses plus grandes opérations d'urgence jamais réalisées, en soignant plus de 350 000 personnes en seulement 10 mois.

Dix ans plus tard, une importante crise politique et économique fait rage dans le pays. Le système de santé est sur le point de s’effondrer : les installations médicales, y compris celles de MSF, peinent à répondre aux besoins des patients.

Sandra Lamarque, cheffe de mission MSF en Haïti, nous explique les effets de la crise.

Le soutien international a largement disparu en Haïti

« Ce tremblement de terre catastrophique a tué des milliers de personnes, déplacé des millions d’hommes, de femmes, d’enfants et détruit 60% du système de santé haïtien qui était déjà en difficulté avant le séisme. Dix ans plus tard, la majorité des décombres a été nettoyée, la population a pu rentrer chez elle, de nouveaux hôpitaux ont pu être construits et la plupart des acteurs humanitaires médicaux ont quitté le pays. Mais le système sanitaire haïtien est à nouveau au bord de l'effondrement pris au piège d'une crise politique et économique croissante. Il faut agir pour donner la priorité aux soins. Le soutien international que le pays a reçu ou qui a été promis à la suite du tremblement de terre a maintenant pratiquement disparu ou ne s'est jamais concrétisé. L'attention médiatique s'est aussi détournée alors que la vie quotidienne de la plupart des Haïtiens devient de plus en plus précaire en raison de l'inflation galopante, du manque de perspectives économiques et des flambées de violence régulières ».

Rapport : « Haïti, 10 ans plus tard »

Dans son rapport « Haïti, dix ans plus tard », MSF met en évidence les dysfonctionnements du système de santé dus à la crise politique et économique que traverse Haïti. En effet, la situation de crise et de violences impacte le système de santé haïtien, les installations médicales peinant à fournir des services de base en raison de pénuries de médicaments, d'oxygène, de sang, de carburant ou encore de personnel.

 

In de zomer van vorig jaar barstten in de grote steden van Haïti gewelddadige protesten uit. © Jeanty Junior Augustin, juni 2019.
Au cours de l'été 2019, de violentes manifestations ont éclaté dans les grandes villes d'Haïti. © Jeanty Junior Augustin, juin 2019.

Dans le cadre de manifestations qui ont eu lieu ces derniers mois, des rues ont été fermées par des barricades faites de pneus et de câbles. Ces manifestations ont alors entravé le mouvement des ambulances, des travailleurs de santé, des fournitures médicales et des patients.

L’impact de la crise dans nos centres hospitaliers

En 2019, le centre de stabilisation d'urgence de MSF dans la région de Martissant, à la capitale Port-au-Prince, a reçu en moyenne 2450 patients par mois, dont 10% avec des blessures par balle, des lacérations ou d'autres blessures dues à la violence. L'hôpital de MSF dans le quartier Drouillard de Port-au-Prince, seule structure de prise en charge dans le pays pour les grands brûlés, a connu un pic d'activité en septembre, lorsqu'il a admis un total de 141 patients souffrant de brûlures graves, principalement causées par des accidents.

« J'ai vite demandé qu'on m'amène chez MSF »

Le 16 décembre dernier, Slaij, 37 ans, a été victime d’un accident de la route à Cabaret, une ville située à 42km de Port-au-Prince. Voyant que son véhicule allait quitter la route, Slaij a sauté hors de sa voiture, avant qu’elle n'atterrisse dans un canal. Il a alors eu deux côtes fracturées. Avant d’être pris en charge par notre hôpital de Tabarre, Slaij avait été conduit dans deux autres centres hospitaliers. Ceux-ci n’avaient en effet pas pu le prendre à charge, faute de matériels adéquats.

« Après la radiographie réalisée par le deuxième hôpital, le médecin m’a dit qu’il devait m’envoyer soit à Saint Marc, soit à Port-au-Prince, parce qu’il ne pouvait pas soigner ma blessure faute de matériels disponibles à l’hôpital. J’ai un jour rendu visite à un ami qui était soigné ici, à l’hôpital de Tabarre, à la suite d’un accident. J’ai pu alors voir que les soins étaient de qualité. Quand on m’a dit que je devais être transféré dans un autre hôpital, j’ai vite demandé qu’on m’amène chez Médecins Sans Frontières. La majorité des Haïtiens n’a pas les moyens d’avoir recours aux soins de santé. La gratuité des soins garantie par MSF est donc doublement indispensable ».

Un accès difficile aux hôpitaux

À Delmas, où MSF gère un programme pour les victimes de violences sexuelles, le nombre de patients a diminué pendant cette période de violence accrue, tout simplement parce qu'il était trop difficile d'accéder à l'établissement.

 

In het noodcentrum in Martissant zit een lange rij wachtenden om orthopedische zorg te krijgen. © Caroline Frechard, november 2019.
Une longue file de personnes qui attendent au centre d'urgence de Martissant pour recevoir des soins orthopédiques. © Caroline Frechard, novembre 2019.

Dans les campagnes, comme à Port-à-Piment (Sud d’Haïti), l'effet de la crise sur les soins de santé se fait douloureusement ressentir. Nos équipes organisent les services d'urgence et les soins maternels dans la région depuis un certain temps. Dans les cas graves, lorsqu'une hospitalisation est nécessaire, nos équipes ont des difficultés à trouver un établissement de santé vers lequel orienter les patients. L'hôpital principal et la banque de sang du département ont été fermés en octobre après avoir été pillés, et ne sont toujours pas pleinement opérationnels. Pour certains patients dans un état critique, il faut parfois 5 heures de route pour trouver un hôpital pouvant accepter de tels cas.

Un nouveau centre de traumatologie à Tabarre

En novembre 2019, MSF a rouvert un centre de traumatologie de 50 lits dans le quartier de Tabarre à Port-au-Prince. Au cours des cinq premières semaines, le centre a accueilli 574 patients dont plus de la moitié était blessée par balle. 150 personnes souffrant de blessures mettant leur vie en danger ont été admises.

 

Maandag, 9 december 2019, Tabarre Ziekenhuis, gespecialiseerd in trauma noodsituaties, Port-au-Prince, Haïti. Jean-Baptiste, 42 jaar oud in de chirurgie. Jean-Baptiste werd aangereden door een auto terwijl hij met een motor naar huis ging. Hij werd opgenomen in het ziekenhuis in Tabarre voor een open breuk van zijn rechterbeen en werd geopereerd. Gezien de grootte van zijn wond wachtte hem een huidtransplantatie die een lange periode van ziekenhuisopname vergde. Hij is wees en alleenstaande vader van 4 kinderen, werkt meestal op bouwplaatsen en geeft les in vechtsporten. Om te overleven tijdens de Péyi-sluis (geblokkeerd land) veranderde hij in een frisdrankverkoper in de straat onder zijn huis.
À Tabarre, nous traitons les victimes de violence, mais aussi les victimes d'accidents de la route, par exemple. Jean-Baptiste a été heurté par une voiture. Il a été admis à l'hôpital de Tabarre avec une fracture ouverte, et a été opéré. © Leonora Baumann, décembre 2019.

Au mauvais endroit, au mauvais moment

Anderson Alexandre, père de famille de 30 ans, a été blessé par balle le soir du 21 décembre dernier, dans le quartier de Delmas (Port-au-Prince), alors qu’il allait acheter de l’eau. « Alors que j’étais à la caisse, j’ai entendu des rafales de tirs. Une voiture passait dans la rue et tirait sur des personnes. Malgré mon reflexe de me coucher au sol en entendant les tirs, j’ai été blessé par deux balles à la jambe droite », explique Anderson. « Les tirs ont continué alors que j’étais encore allongé au sol. Le corps d’une personne qui était décédée à côté de moi m’a protégé des nouvelles balles. Autrement, j’aurais été blessé plus gravement ».
C’est l’épouse d’Anderson qui, après avoir été informée de la situation, a appelé une ambulance. « Intuitivement, j’ai demandé qu’on m’emmène à l’hôpital de Médecins Sans Frontières. Au départ, c’était très difficile pour moi parce que l’évènement a été traumatisant. Je n’ai pas mangé pendant près de cinq jours. Mais avec le soutien des autres patients, je commence à surmonter les difficultés. On rigole et se soutient mutuellement », confie Anderson.

Anderson travaille comme agent de sécurité. Il dit craindre les jours à venir puisque, du fait de son état de santé, il ne pourra plus subvenir aux besoins de sa famille. « Maintenant que je n’ai plus toute ma mobilité, je ne vais plus pouvoir travailler. Or ma fille est très jeune. C’est un gros choc pour ma famille ». Aujourd’hui, Anderson a pour souhait que la paix puisse revenir dans les rues haïtiennes, afin que toute personne puisse y circuler en toute sécurité.