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Si l’équipement médical ne fonctionne pas, le patient ne survit pas

Comme s’assurer que tout l’équipement médical est sûr, en bonnes conditions de fonctionnement, et que tout le personnel de l’hôpital sait s’en servir correctement ? C’est le métier d’un spécialiste biomédical sur le terrain. Jonathan Delchambre, tout juste de retour du Liban et d’Irak, nous parle de sa spécialisation et partage son expérience avec nous.

Pourquoi avoir choisi d’étudier l’ingénierie civile avec un master en ingéniérie biomédicale avec option biomécanique et instrumentation?

Parce que j’étais très bon en mathématiques et en sciences à l’école (rires) et j’avais un intérêt particulier pour le corps humain et comment nous pouvons utiliser la science pour améliorer les soins de santé.

Pourquoi avoir voulu travailler pour MSF?

Il y existe beaucoup d’opportunités de carrière pour les ingénieurs biomédicaux mais je voulais mettre mes compétences à disposition des personnes vivant dans les pays les moins développés. Je me voyais plus travailler sur un concentrateur d’oxygène pour prévenir les maladies pulmonaires que sur une invention pour traiter l’obésité.

Lors d’une session d’information sur le travail sur le terrain pour MSF, j’ai été content d’apprendre qu’MSF propose des missions courtes et longues pour les ingénieurs biomédicaux, et j’ai postulé. Je n’ai pas été accepté parce que je n’avais pas assez d’expérience mais heureusement, j’ai persévéré : j’ai obtenu l’expérience pertinente et j’ai pu partir pour ma 1ère mission au bout d’un an. J’étais plutôt expérimenté en conceptualisation et en contrôle qualité donc j’ai tout appris avec mes collègues locaux sur la maintenance d’équipement hospitalier pendant ma 1ère mission en Haïti.

L’hôpital avait une capacité de 120 lits, 500 collaborateurs, 4 salles d’opération et plus de 300 unités de matériel médical. Imaginez ce que ça fait d’être responsable du bon fonctionnement de tout le matériel médical. La vie des patients en dépend. Si l’équipement ne fonctionne pas, le patient ne survit pas.

Une question de vie ou de mort

« La vie d’un patient dépend des médecins mais aussi du matériel médical de l’hôpital. Si l’équipement ne fonctionne pas, le patient ne survit pas. »

Parlez-nous d’une de vos missions.

Je peux vous donner des informations sur ma mission d’urgence en Irak l’année dernière. J’ai été envoyé pendant 2 mois pour aider à l’hôpital d’urgence de Hamam Al Alil, un des points de stabilisation de traumatisme dans les environs de Mosul. J’étais responsable de mettre en place le plan de maintenance et d’effectuer des réparations sur plus de 50 unités de matériel médical dans l’hôpital. L’Irak a un système de santé décent, mais après plusieurs décennies de conflit, d’instabilité et de difficulté économique, le système a subi beaucoup de pression. Beaucoup d’hôpitaux n’ont pas les ressources pour la supporter et c’est là qu’MSF intervient.

Qu’implique le métier de spécialiste biomedical sur le terrain?

J’ai adoré la diversité du métier!

J’ai formé 2 collègues irakiens techniciens radiologues sur l’utilisation du lecteur de cassette digital. J’ai formé un autre collègue irakien sur la maintenance et la réparation de tout l’équipement et j’ai organisé des sessions de formation pour le personnel médical sur l’utilisation de l’équipement.  En plus de ça, il faut travailler avec les médecins pour travailler sur le plan de contingence. Si l’un des ventilateurs de la salle d’opération s’arrête de fonctionner : Est-ce qu’on doit opérer moins ou continuer au même rythme mais également la nuit ? Ou planifier des opérations plus courtes ? Ou dans une autre salle d’opérations ? Tout le planning des opérations va changer.

Un autre aspect de mon travail est d’analyser les besoins d’achat avec le coordinateur médical du projet pour avoir un stock complet pour la salle d’opération et tout l’hôpital. Cela implique beaucoup de prospection et de contact avec les fournisseurs (locaux). Une grande partie du travail est aussi de travailler sur Excel derrière votre ordinateur (rires). 

Il faut également être toujours prêt pour l’inattendu. Un jour, le projet a reçu 2 conteneurs vides. L’un devait être transformé en salle de radiologie et l’autre en salle de stérilisation le plus vite possible. J’ai pris le lead et j’ai connecté les conteneurs au réseau électrique, commandé des tables, des chaises, des éviers, etc. et puis finalement installé tout l’équipement biomédical. On a aménagé un autoclave dans la salle de stérilisation et un appareil de radiologie aux rayons X mobile avec un lecteur de cassette digital et son logiciel dans la salle de radiologie.  

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Qu’est-ce que vous avez préféré?

Je crois que ce que j’ai préféré, c’est la partie formation parce que j’ai vu l’effet du renforcement de compétence. Mon collègue en Irak avait de bonnes compétences techniques mais ses connaissances des équipements n’étaient pas à jour. Il sait maintenant tout ce qu’il doit savoir de l’utilisation et de la résolution des problèmes du logiciel d’imagerie utilisé pour l’enregistrement et la mise en page des radiographies. Cela va le rendre plus attractif sur le marché du travail. Réaliser qu’ils sont maintenant complètement équipés pour travailler grâce aux connaissances que je leur ai transférées me donne une grande satisfaction !

Transmission de savoir

« Réaliser que mes collègues sont maintenant complètement équipés pour travailler grâce aux connaissances que je leur ai transférées me donne une grande satisfaction ! »

Quelle a été la partie la plus difficile de votre travail?

Le choc culturel ! En termes de vie privée et de contenu du travail. Je suis passé du secteur privé à un hôpital public Haïtien. Au début, je voulais que les choses bougent trop vite et ça a été frustrant pour moi de réaliser que ce n’était pas toujours possible. Tu es là pour une mission temporaire mais tes collègues locaux sont là sur le long terme. Ils ont une vision différente des choses et une façon différente de travailler. Tu dois être humble et avoir une bonne capacité d’adaptation pour pouvoir gérer ça. Bien sûr, tu es aussi loin de la famille et des amis. Parfois j’avais peur de ne plus trouver ma place dans mon cercle d’amis. Mais finalement ils m’ont toujours bien accueilli au retour de mission !

Vous êtes de retour en Belgique depuis une semaine. Qu’est-ce qui vous attend dans les prochains jours?

Je vais me reposer ! Tout ce dont j’ai envie c’est passer du temps avec ma famille et mes amis. Comme j’aime la partie conceptualisation du job, j’ai participé à l’Operational research day d’MSF à Londres (en streaming) pour en apprendre plus sur les innovations d’MSF. J’ai été vraiment impressionné par un projet d’énergie solaire pour faire fonctionner des concentrateurs d’oxygène et par un autre qui permettait d’imprimer en 3D des orthèses pour des patients amputés.

Qu’est-ce qu’il faut pour travailler pour MSF?

Il faut bien sûr avoir le bon diplôme mais aussi les compétences techniques. Il ne faut pas avoir peur de prendre son tournevis et se salir les mains. Il faut aussi beaucoup de patience et des connaissances en coaching, non seulement pour apprendre à l’équipe technique comment faire fonctionner l’équipement, mais également pour apprendre aux infirmiers et au reste de l’équipe médicale comment l’utiliser. Et apprendre à l’équipe technique à former les infirmiers. 

J’encourage tous les ingénieurs biomédicaux à postuler pour MSF! A la condition qu’ils s’informent sur ce que c’est de travailler sur le terrain. Cela n’a rien à voir avec des vacances à l’aventure en sac à dos. L’équilibre vie privée/vie professionnelle est difficile : on travaille beaucoup et on a peu de temps libre. On vit avec ses collègues expatriés et on a peu de liberté de mouvement sous les conditions de sécurité MSF du pays. On ne peut pas toujours construire des amitiés avec toute la population. Mais tout cela vaut le coup quand on pense aux personnes que l’on aide.

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