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Ne me dites pas que je suis une héroïne


« J’entends souvent dire que nous (mes collègues internationaux et moi) sommes des héros. C’est très gentil, mais soyons honnêtes : je ne sais quoi penser de ce genre de compliment. Je n’ai absolument pas l’impression d’être une héroïne et je sais qu’il en va de même pour un certain nombre de mes collègues étrangers. »

Evita Looijen (37 ans) est une infirmière néerlandaise. Elle a effectué sa première mission en Afghanistan en 2013 et, aujourd’hui, elle soigne les malades d’Ébola en Sierra Leone.
Evita Looijen (37 ans) est une infirmière néerlandaise. Elle a effectué sa première mission en Afghanistan en 2013 et, aujourd’hui, elle soigne les malades d’Ébola en Sierra Leone.

Ma réaction est donc toujours la même : « Merci, mais je fais simplement mon travail ». Cette réponse peut paraître abrupte, mais voilà comment je vois la situation : j’ai choisi de travailler pour Médecins Sans Frontières et j’ai choisi de partir en mission Ebola. La raison pour laquelle j’ai fait ces choix est simple : je n’ai pas choisi l’endroit où je suis née (comme tout le monde). Je suis née aux Pays-Bas. J’ai grandi dans un pays en paix où la nourriture ne manque pas et où les soins de santé et l’enseignement sont très accessibles. Bref, j’ai eu de la chance. Mais je suis une exception.

Je ne suis pas une héroïne

Beaucoup de personnes n’ont aucun accès aux soins de santé et à l’enseignement. Beaucoup ont à peine assez de nourriture pour assurer leur survie et celle de leurs enfants. Beaucoup n’ont aucune idée de ce qu’est la paix. Et maintenant, à cause de l’épidémie d’Ébola, beaucoup ne reçoivent pas les soins nécessaires. Ces personnes sont des êtres humains comme vous et moi. Ni plus, ni moins. Elles ont juste besoin d’un petit coup de pouce, tout comme nous avons parfois aussi besoin d’aide. Je suis infirmière. J’ai la capacité d’aider ces gens. Je suis ici parce que si j’étais restée chez moi, je ne pourrais plus me regarder dans le miroir. Comment pourrais-je rester à la maison alors que tant de personnes ont besoin d’aide – une aide que je peux leur apporter ?  Je suis motivée, passionnée, impliquée, mais s’il vous plaît, ne me dites pas que je suis une héroïne. Je fais simplement mon travail.

Merci, mais je fais simplement mon travail »

 

 

 

 

Les vrais héros

Y a-t-il vraiment des héros dans cette épidémie d’Ébola ? Et si oui, qui sont-ils et où se trouvent-ils ?

Je peux vous l’assurer : il y a beaucoup de héros ! Mais vous n’avez jamais entendu parler d’eux. On ne voit pas leur visage à la télé ou dans les journaux. On n’entend pas leur voix. On ne leur demande pas de partager leurs connaissances ou leurs expériences. Pour moi, les vrais héros sont les plus de 250 collaborateurs locaux qui travaillent pour Médecins Sans Frontières, ici, à Bo. Et ce, pas pour quelques semaines (comme les expats), mais pendant des mois et des mois, tant que l’épidémie ne sera pas endiguée.

© Natasha Lewer/MSF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour moi, les vrais héros sont les plus de 250 collaborateurs locaux qui travaillent pour Médecins Sans Frontières, ici, à Bo.»

 

 

 

 

 

Pourquoi sont-ils des héros ? Je vais vous donner quelques brefs exemples. Un agent du personnel d’entretien (18 ans) a été mis à la porte par ses parents parce qu’il travaille dans la clinique Ébola. Une cuisinière (45 ans) a beaucoup de difficultés à faire ses courses sur le marché : les vendeurs n’osent pas prendre son argent parce qu’elle travaille dans la clinique. Un infirmier (32 ans) risque de se retrouver à la rue car son propriétaire menace de le mettre dehors, lui et sa famille (deux enfants en bas âge), parce qu’il travaille dans la clinique Ébola.

Toutes les personnes qui travaillent avec et pour nous racontent plus ou moins la même chose : leur famille et leurs amis ne viennent plus leur rendre visite, les voisins se tiennent à distance, ils ne sont plus jamais invités... Tout cela parce qu’ils travaillent dans la clinique Ébola. C’est bien sûr injuste et injustifié, mais nous savons les dégâts que peut provoquer la panique dans une société, même en « Occident ».

Lorsque j’ai demandé à l’une de mes infirmières locales pourquoi elle continuait de venir au travail tous les jours, voilà ce qu’elle m’a répondu :

« J’ai trois enfants. Leur père nous a quittés. Je suis le seul exemple qu’il leur reste. Quel exemple donnerais-je à mes enfants si je n’assumais pas mes responsabilités ? Quel exemple donnerais-je à mes enfants si je ne participais pas à la lutte contre Ebola ? »

Il y a donc vraiment des héros.