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La lutte contre le VIH et la tuberculose est en situation critique

Pour la première fois en dix ans, les fonds internationaux et domestiques destinés à lutter contre le VIH et la tuberculose ont baissé en 2018, mettant sous pression les pays aux prises avec ces épidémies. Alors que les donateurs du Fonds Mondial se réunissent à Lyon (en France) cette semaine pour remplir l’enveloppe des trois prochaines années, un rapport de MSF tire la sonnette d’alarme sur la baisse des financements et son impact sur les patients.

 « Ça fait 15 ans que je vis avec le VIH », explique Laetitia, une patiente de République centrafricaine. « Si je suis encore là en bonne santé aujourd’hui, c’est grâce à mon traitement antirétroviral. Mais depuis plusieurs mois, on a plus de médicaments. On ne sait pas comment on va s’en sortir. On ne sait pas… » 

mains qui se tiennent
Patients atteints du VIH dans l'hôpital du CHK à Kinshasa © Pablo Garrigos/MSF. Août 2019.

Laetitia est l’une des nombreuses personnes séropositives confrontées aux difficultés de vivre avec le VIH. Son pays, comme tant d’autres, ne bénéficie pas d’assez de soutien international pour mener à bien le combat contre la maladie, et a bien du mal à mobiliser davantage de moyens. La République centrafricaine est l’un des pays les plus pauvres du monde, en proie à des conflits armés et à des besoins humanitaires gigantesques.

«La tendance récente à la baisse globale du financement met la lutte contre le VIH et la tuberculose en situation critique », explique le Dr Mit Philips, analyste en politiques de la santé chez MSF. « Si les avancées obtenues dans des pays comme le Mozambique risquent de faire marche arrière, les pays d’Afrique de l'Ouest et centrale, qui sont déjà à la traîne face au VIH et à la tuberculose, risquent davantage encore de voir leur situation se dégrader. » 

Une baisse qui fait des victimes

D’après les chiffres de l’ONU, les financements nationaux et domestiques contre le VIH ont reculé d’un milliard de dollars en 2018. Et le déficit pour les programmes de lutte contre la tuberculose s'est encore creusé pour atteindre 3,5 milliards de dollars par an. 

En Guinée, les décès liés au VIH et à la tuberculose (TB) ont augmenté ces dernières années. Dans un contexte difficile où les efforts devraient être renforcés, les subventions signées par le Fonds Mondial ont diminué entre les périodes 2015-2017 et 2017-2019.

Au Myanmar, pays qui a l’un des taux de prévalence du VIH les plus élevés de la région Asie-Pacifique, le déficit de financement prévu pour le VIH / SIDA est estimé à 150 millions de dollars US. 

Clinique à Yangoon
Tin Lay, 42 ans, originaire du Myanmar, est en phase de préparation au traitement contre la tuberculose à la clinique MSF d'Insein de Yangon, au Myanmar © Alessandro Penso. Février 2019.

Le manque d’argent disponible a un impact immédiat sur les patients puisqu’il peut entraîner des  ruptures de stocks en médicaments, l’insuffisance des services de dépistage, de prévention et de soins...

Chaque jour, les équipes de MSF constatent que beaucoup de patients ne démarrent pas leur traitement à temps ou sont obligés de l’abandonner, parfois faute de médicaments disponibles. Et cette situation contribue à davantage de transmissions, à une mortalité plus élevée, à davantage d'échecs thérapeutiques et de cas de résistances au traitement. Et donc des coûts des soins plus élevés pour le VIH et la tuberculose. 

« Au début de mon traitement, ça ne se passait pas bien car il y avait beaucoup de ruptures [de médicaments] et ma santé ne s’améliorait pas » explique Odia, une patiente vivant avec le VIH en Guinée. « On m’a alors recommandé d’aller à Conakry. Ailleurs dans le pays, les gens meurent. Le mari d’une amie vient jusqu’ici depuis Kankan, à plus de 600 kilomètres, pour avoir son traitement, car il n’y a rien là-bas. »

Un retour à la réalité s’impose

Basé sur des études menées dans neuf pays où MSF gère des programmes de lutte contre le VIH et la TB – la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Eswatini, la Guinée, le Kenya, le Malawi, le Myanmar et le Zimbabwe – le rapport montre que de nombreux pays confrontés une insuffisance d’aide extérieure ne sont pas prêts à compenser cette baisse et à assumer cette responsabilité financière à court terme. C’est notamment le cas pour les pays affectés par des conflits ou des crises socio-économiques.

« Partager le fardeau du financement avec les pays affectés par le VIH et la TB peut être positif, car cela accroît notamment leur indépendance face à la volatilité des donateurs », poursuit le Dr Philips. « Mais cette approche doit être adaptée à la réalité de chaque pays. Surévaluer la capacité d’un pays à financer davantage la réponse au VIH et à la TB peut mettre en danger ses programmes de santé et la vie des personnes. »

Patients au CHK de Kinshasa
Portrait de John* et Jean* dans le bloc d'hospitalisation du CHK de Kinshasa. Jean a été diagnostiqué positif au VIH en 2010. Il a été hospitalisé en juin 2019 une première fois au CHK. Quelques semaines après sa sortie, il a du revenir en urgence pour une nouvelle hospitalisation © Pablo Garrigos/MSF. Août 2019. 

En vue de la conférence du Fonds Mondial, le rapport de MSF appelle donc les pays donateurs à rapidement inverser le déclin des financements en matière de lutte contre le VIH et la TB, et à adapter leur approche aux défis auxquels sont véritablement confrontés leurs pays partenaires.

« Ne pas corriger le tir risque de saper les acquis du passé et d’entraîner un regain de l’épidémie qui fera de nombreuses victimes. Nous ne pouvons laisser la réponse à ces épidémies s’enliser davantage. »

Lire notre rapport complet (en anglais)