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La Recentralisation vers les projets chez MSF

I. Les principes de base

Quelques principes simples destinés à renforcer l’autonomie des équipes projets dans le cadre de la Recentralisation vers les projets de l’OCB

Tout au long des processus décisionnels et de l’implémentations des décisions opérationnelles il s’agira de promouvoir la subsidiarité et de mettre l'autonomie décisionnelle (responsabilité) au plus près de ceux qui mettent en œuvre les opérations. Cela implique de responsabiliser les collègues les plus proches des bénéficiaires pour qu'ils prennent des décisions qui permettront une réponse agile et adaptée au contexte d'intervention. Il y aura toujours un cadre convenu (ressources et stratégie) pour cette autonomie et les décisions doivent bénéficier de la Consultation & la possibilité de « Rescue ».

Quel est ce principe de consultation et comment cela pourrait marcher ?

En termes simples, les décideurs sont incités à garantir une utilisation appropriée des connaissances/expertises disponibles et du soutien recommandé lorsqu’ils prennent une décision. C’est grâce à cette consultation que les équipes MSF seront capables d’assumer leurs responsabilités au sein d’une organisation recentralisée vers les projets car les individus n’agissent pas en isolation mais avec le bénéfice de l’expérience/expertise de l’organisation tout entière.

Lorsque nous sommes dans une situation où une décision conséquente doit être prise, nous devons définir objectivement qui, et dans quelle mesure, pourrait nous aider à prendre une décision éclairée, ce seront les personnes à consulter. Chaque décision nécessitera un processus de consultation différent, par conséquent, la compétence requise pour les décideurs est de choisir le processus de consultation approprié. Voici quelques lignes directrices :

• La complexité de cette décision nécessite-t-elle une consultation ?

• Suis-je ouvert.e et prêt.e à consulter ?

• Quel est le niveau de consultation requis ?

• Quelles sont les parties prenantes pertinentes à consulter ? (sans oublier les plus proches de vous et les patients ou la communauté !)

• Dans quelle mesure ai-je pris en compte les commentaires reçus ? Ai-je gardé un état d'esprit ouvert et critique ? D

Tout en recherchant toujours bien entendu les meilleures décisions pour les bénéficiaires et nos opérations, les décisions seront examinées en fonction de leur processus de consultation autant que de leurs impacts, c’est-à-dire en nous posant cette question : « dans quelle mesure les parties prenantes concernées ont-elles été contactées et utilisées dans ce processus décisionnel ? » 

Si un membre d’une l’équipe n’est pas convaincu qu’il possède l’expertise ou les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée même après un processus consultatif, il aura toujours la possibilité de faire appel à une personne pré-identifiée, une personne « rescue ».

Qu’est-ce que ce rôle de ‘rescue’ (rr)?

Un rôle ‘miroir’ (en permanence)

• Être le miroir des homologues (ex. du projet) : fournir des conseils, stimuler la réflexion et assurer une réflexion critique sur les stratégies et la qualité de l’activité

• Existe pour chaque responsabilité ou domaine stratégique (Un RR pour OPS, Med, Ressources)

• Garde la mémoire / cohérence à long terme du projet dans le domaine technique respectif

Concrètement, en cas de demande d’aide ? (en cas de rescue)

• L'équipe de projet peut demander une intervention si elle ne se sent pas prête à prendre une décision ou lorsque des facteurs internes ou externes affectent la stabilité du projet (lacunes, tensions, changement de l'environnement / sécurité…)

• L’intervention peut être proposée par les principales parties prenantes opérationnelles extérieures au projet (DO, équipe régionale, conseillers ou points focaux au niveau du pays) en cas de situation critique dans les opérations (c'est-à-dire non-respect du cadre, dysfonctionnement, changement de contexte, manque de compétences)

• À titre exceptionnel et à la demande du projet la personne ‘rescue’ peut agir comme intermédiaire entre l'expertise technique et l'équipe projet

• le rôle ‘rescue’ n'a pas l’autorité au jour le jour sur le projet (sauf accord préalable ou pendant une certaine période convenue)

Le rôle n’est pas forcément dédié à une seule personne par domaine, mais il doit y en avoir au moins une par domaine de manière à ce qu’il y ait toujours au moins une personne vers qui se tourner.

«Que devient le rôle du superviseur dans le cadre d’un projet plus autonome?»

En plus d’assurer une réflexion critique sur les opérations en stimulant ses collègues et en leur offrant un effet miroir, la principale valeur ajoutée d’un/e superviseur sera d’utiliser ses compétences de coaching afin de permettre à ceux-ci de devenir plus autonome.

II. Le concept Paper

Origine

Plus de 20 ans se sont écoulés depuis qu'OCB (alors MSF-B) a introduit le modèle basé sur les cellules, suite à la revue McKinsey. Cette réforme ambitionnait déjà d’instaurer une plus grande flexibilité décisionnelle au niveau du siège et à une croissance maîtrisée. Au cours des deux dernières décennies, les évolutions dans les contextes de nos interventions, dans l'environnement technologique, dans la taille de l'organisation, dans la nature et la spécialisation de nos opérations, dans la perception de l’action humanitaire, la création de nouvelles entités MSF et l'émergence de nouvelles façons de travailler ont exposé les limites du modèle managérial actuel. Des variations ad hoc au sein des modèles basés sur les cellules ont été essayées au cours de cette période pour diverses raisons et avec des niveaux de succès variables, mais le système lui-même est resté jusqu'à présent intact et assez standardisé.

Pendant ce temps, les évaluations et les diagnostics mais aussi les échanges formels et informels confirment régulièrement les frustrations liées au processus décisionnel jugé trop lourd et centralisé, de même qu’augmente la bureaucratie liée à une forte croissance des sièges et des entités de soutien. Notre modèle de support aux opérations peut être remis en question et le système organisationnel revu, au moins, là où il serait logique de le faire. Afin de rééquilibrer le centre de gravité de l'organisation, des changements sont nécessaires pour rapprocher le plus possible la prise de décision de nos bénéficiaires et du lieu où se déroule l'action humanitaire (c'est-à-dire au niveau du projet). Cette ambition est au cœur de la vision de l'actuel Directeur Général et du Comité de Direction, qui ont été mandaté, par les conseils d'administration de l’OCB et de MSF-B, pour la mettre en œuvre. Il est soutenu par l'International Board «Call for Change» et correspond à des initiatives existantes dans d'autres OCs.

Au sein de l’OCB, un changement peut déjà être observé avec un état d'esprit plus horizontal des départements Log et Médical par exemple, la nouvelle vision et les initiatives RH telles que SherLog, l'unité Coaching & Mentoring et diverses approches opérationnelles qui remettent en question certaines normes. Cette volonté de changement est aussi reflétée dans les ‘Orientations Stratégiques de l’OCB 2020-2023’ de même que dans le document de vision du GD qui a été interprétée fin 2018 / début 2019 par Cédric Martin dans le document: Feuille de route du projet de recentralisation - février 2019.

Objectif

Afin d'augmenter l'impact de nos opérations médico-humanitaires, le programme de « recentralisation sur les projets (FrC) » vise à mettre la décision au plus près de l'acte médico-humanitaire et des bénéficiaires. Cet objectif sera atteint en augmentant l'autonomie de l'équipe de terrain et en garantissant des connaissances accessibles et un soutien adapté.

Concept

Subsidiarité : Le principe fondamental de subsidiarité de « ne pas faire au niveau supérieur ce qui peut être fait plus efficacement au niveau du projet » révèle un processus de prise de décision qui appartient au «personnes confrontées à la situation», qui ne fait appel pour la décision au niveau « supérieur » qu’à titre d'exception. La subsidiarité est donc une sorte de « délégation à l’envers ». En adoptant ce principe de subsidiarité, MSF augmentera l’autonomie de décision opérationnelle au niveau des projets, en supposant la compétence et l’auto-réflexion. Le centre de gravité se situe dans le projet, dans des limites convenues et dans un cadre clair.  Néanmoins, si une équipe ne sent pas équipée pour prendre une décision opérationnelle, ou si elle se montre incapable de la prendre, il est essentiel qu’une autre équipe, ou d’autres responsables, soient capables, en connaissance de cause, d’intervenir et de guider l’équipe ou de prendre elle-même la décision attendue.  C’est ce que nous appelons le rôle de ‘rescue’.

Consultation : Le processus crucial de consultation (et non de consensus) donne au décideur le bénéfice de l'intelligence collective organisationnelle dans la poursuite d'une décision judicieuse. Il permet aux décideurs de choisir ce qu'ils estiment être le meilleur plan d'action, en tenant compte de tous les conseils et perspectives qu'ils ont reçus. L'échelle de consultation est proportionnelle à la nature et à la complexité de la décision à prendre, c'est-à-dire que toutes les décisions ne nécessitent pas le même type de consultation. Une exigence de subsidiarité est que le contrôle a posteriori est préféré au contrôle a priori. Par conséquent, la subsidiarité implique un état d'esprit culturel où la confiance, la transparence et l'autonomisation vont de pair avec le droit à l'échec / filet de sécurité et l'aspect difficile du « lâcher prise». Chaque individu au sein de MSF, junior ou senior, devrait avoir l'opportunité d'apprendre (continuer à) apprendre sans crainte pour sa position.

La prise de décision autonome n'est pas un acte indépendant mais plutôt une condition pour pouvoir être responsable d'une décision, dans un réseau horizontal, coaché, encadré et soutenu par des experts et des collègues plus seniors. En tant que telle, la subsidiarité offre une opportunité d'opérationnaliser la responsabilité. Face à la complexité et à l'incertitude, prendre une décision implique toujours de prendre des risques. Des erreurs peuvent donc se produire et ne doivent pas mettre en péril la relation de confiance.

À quoi peut ressembler un OCB recentralisé sur le terrain ?

Différents modèles opérationnels sont susceptibles de coexister en même temps.  Il ne s’agit donc pas de transformer un modèle et des processus standardisés de support aux opérations par un autre modèle standardisé avec de nouveaux processus, mais au contraire d’oser la différence, dans les limites de ce qui serait gérable pour l’organisation et en fonction de la stabilité des projets concernés. Les équipes projets deviendront les interlocuteurs privilégiés pour les décision stratégiques les concernant et avec eux nous nous entendons sur le «quoi», en laissant le «comment» à l’équipe du projet.

Comment pourrait-on y arriver ?

Bien qu'un OCB dans laquelle tous les projets deviendraient plus autonome (en fonction encore une fois de leur contexte et de leur stabilité interne, puisse prendre plusieurs années, des changements prennent déjà vie. Le rôle de l'équipe de recentralisation sur le terrain est de retracer et de soutenir de manière proactive les initiatives existantes et d'engager les équipes OCB nouvellement intéressées pour faciliter l'élaboration et la mise en œuvre de ces processus innovants. Reflétant le principe de subsidiarité, l'équipe encadrera et soutiendra les équipes vers plus d’autonomie vers les projets, plutôt que de prescrire et de diriger. Un autre rôle central de l'équipe de recentralisation sur le terrain sera de relier les initiatives en partageant les expériences, en donnant de la visibilité aux réussites et aux échecs en cours de route, en tirant les leçons apprises, en générant une motivation qui renforce l'innovation, en développant les exigences et les conditions, en travaillant en amont pour permettre les adaptations dans l'existant.

III. L'Annexe pour tous les nouveaux profils de poste - a partir de Janvier 2022

Mi-2019, MSF OCB s’est lancée dans une réforme visant à donner plus d'autonomie aux projets : la Recentralisation vers les projets (aussi Field Recentralisation). Les opérations en Afrique Centrale (AC), RDC, RCA, Burundi (et Cameroun, opérations standby), sont en train de développer une approche de soutien aux opérations innovante et transformationnelle depuis septembre 2021.


Une équipe de soutien régional (ESR) anime le réseau dans la région en assurant l'autonomie optimale des projets et le soutien stratégique aux projets selon les principes de subsidiarité1. La cellule 1, qui était en charge des opérations dans la région, est transformée et une équipe régionale s’est construite. La vitesse de la transformation complète dépendra de la réalité opérationnelle et contextuelle de chaque projet et de chaque pays.


Le programme de la Recentralisation vers les projets impacte donc le rôle des équipes au niveau des projets, des pays et de la région. A chaque niveau, les rôles et responsabilités sont clairement définis et différents de ceux actuellement joués par les projets, la cellule et les coordinations.

 

  • Une « Equipe de Soutien Régional » (ESR) a commencé à Kinshasa et est déjà un interlocuteur des projets et de certaines équipes de soutiens pays (appelées « coordination » aujourd’hui) pour les questions stratégiques. Cette équipe est lancée avec des profils seniors Ops, Med et RH. Le rôle Fin régional commence en janvier 2022 et un Log régional dès qu’il/elle sera recruté (ces deux dernières positions étant prévues pour un an - réévaluable).
  • Une  « Équipe de Soutien Pays » (ESP) fournira d’abord un soutien spécifique/technique aux projets du pays concerné dans les différents domaines d’expertise nécessaires au bon fonctionnement des projets. Les membres de cette équipe garderont également le rôle de représentation au niveau du pays. En fonction de l’instabilité de certains projets, l’ESP continuera à jouer un rôle stratégique pour ces projets spécifiques. En collaboration avec les équipes projets, l’équipe régionale et le pool d’urgence de Bruxelles, l’ESP assure la surveillance et la réponse aux urgences. Une expansion des activités en dehors du cadre prédéfini, sera toujours décidée avec l’équipe ESR.
  • « Équipes projets» : basé sur les spécificités et le cycle de vie de chaque projet. Un renforcement des équipes (p.ex. un investissement dans le développement du staff, échange entre projets…) accompagnera la transition vers une équipe projet plus autonome (commencé Q3 2021). Selon la stabilité du projet, les lignes de communication et collaboration sont adaptées entre le projet, l’équipe pays et l’équipe régionale, donnant un accès plus direct à l’équipe régionale pour les projets plus stables. La vitesse de transition sera adaptée à chaque projet.

Pour obtenir une plus grande autonomie pour les projets, un renforcement de la responsabilité et des compétences au niveau des projets est essentiel, ce renforcement est accompagné d’une adaptation des rôles et responsabilités de la nouvelle ESP. Une complémentarité dans les rôles entre les équipes de projet et l’ESP est recherchée et adaptée selon la stabilité des projets, diminuant entre autres le nombre de validations non-essentielles.


En même temps, l’autonomie inclut le devoir pour le projet de consulter les équipes au niveau du pays et de la région et les référents techniques concernés. Chaque équipe opérationnelle doit avoir accès à l’expertise et la connaissance interne de MSF (p.ex. des référents au niveau global/siège) dans une approche favorisant la transversalité entre départements/spécialités.


1 Principe de subsidiarité selon lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l'échelon inférieur. Concept de prise de décision si proche que possible de l’acte humanitaire.


Finalement, la Recentralisation vers les projets promeut une approche managériale participative en incluant le personnel du projet dans les décisions stratégiques, tout en gardant une ligne décisionnelle claire.


Note : comme alternative pour le line manager traditionnel, la Recentralisation vers les projets identifie un ‘rescue role’ pour (au moins) chaque position de management au niveau du projet.

Rescue role/rôle secours : principe bidirectionnel. Le rôle décisionnel peut être délégué (1/par choix) ou repris (2/par défaut). 1/Un (membre du) projet en détresse, en difficulté inattendue… peut appeler ‘au secours’ à la personne prédéfinie comme ‘rescue rôle’ pour reprendre le pouvoir décisionnel comme demandé. 2/Si un (membre du) projet est perçu comme dysfonctionnel de l’extérieur (niveau pays/région/expertise globale…), il y a la possibilité d’intervenir par le rescue rôle (exceptionnellement et avec des arguments solides) et reprendre le pouvoir décisionnel. Les 2 situations sont plutôt exceptionnelles et ne réfèrent pas au support quotidien ou régulier ni à la collaboration de coaching entre projets et équipe en capital ou dans la région.