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Haiti : Violence extrême à Port-au-Prince : Chaque jour, quatre de nos collègues risquent leur vie pour aller travailler

Country
Haïti

Depuis 4 ans, les habitants de Port-au-Prince, capitale d'Haïti, sont pris dans un étau infernal d´une extrême violence. Depuis 2018, le pays traverse une grave crise politique et économique. Des gangs lourdement armés font la loi dans les rues. Meurtres, enlèvements, extorsions, viols sont à l'ordre du jour et c'est au milieu de cette énorme insécurité que nos collègues Rosanberg*, Ugo*, Natalie* et Morjorie* vont travailler dans nos hôpitaux chaque jour, au péril de leur vie.

Elke dag riskeren onze Haïtiaanse collega's hun leven om te kunnen gaan werken
Chaque jour, nos collègues haïtiens risquent leur vie pour aller travailler. Des gangs d´une incroyable violence et lourdement armés sévissent dans les rues de la capitale Port-au-Prince. © MSF 2022 illustration

Travailler tous les jours avec la peur au ventre.

Ces deux dernières années, Natalie a travaillé dans l'un des hôpitaux MSF de Port-au-Prince, le trajet en voiture pour aller et revenir du travail, la terrifie énormément. « Bien sûr, j'ai peur d'être volée, mais j'ai encore plus peur d'être kidnappée », dit-elle. « Chaque fois que je ferme ma porte, je me prépare physiquement et mentalement, je porte exprès des vêtements amples de sorte que si je devais être retenue en captivité pendant quelques jours, je me sentirais plus à l'aise. La plupart des femmes qui sont enlevées sont également violées. Je vais au travail tous les jours avec la peur au ventre. »

geweld in haiti
La violence et l'insécurité règnent dans les rues de Port-au-Prince. Les barrages routiers et les bandes armées rendent parfois la circulation impossible voir dangereuse. Nos ambulances ne sont pas à l'abri d'un vol à main armée. © MSF 2022 illustration

Nous ne vivons plus, nous survivons.

MSF a mis en place une équipe de 24 heures pour tenter d'éviter les risques liés aux déplacements "C'est fatiguant, mais moins risqué", poursuit Natalie. Sa collègue Rosanberg le pense aussi. Elle est mère de quatre enfants et le seul soutien de sa famille. Nombreux collègues ne se rendent pas au travail ou n'arrivent pas à l'heure. "Parfois, cela peut prendre plus de deux heures, parce que la route est bloquée ou qu'il y a des combats en cours", explique Rosanberg. "Mon aîné va à l'université mais ça n'est plus possible à cause de l'insécurité.  La viande au dîner n'est plus à l'ordre du jour non plus. Je ne peux tout simplement plus me le permettre, avec quatre enfants qui vont à l'école. Nous ne vivons plus, nous survivons. Nous sommes stressés et effrayés en permanence. C'est vraiment dur."

Notre hôpital de traumatologie à Tabarre : des soins indispensables au milieu de la violence

En 2019, au milieu de l'extrême violence à Port-au-Prince, MSF a rouvert son hôpital de traumatologie dans la banlieue de Tabarre. Cet hôpital est indispensable pour permettre à la population la plus pauvre d'accéder à des soins de santé de qualité. D'ici 2021, les équipes MSF auront réalisé plus de 5 300 interventions chirurgicales et soignés 900 grands brûlés. L´année dernière nous avons traité, dans plusieurs services d´urgence de la ville, pas moins de 23 000 patients. En mai 2022, nous avons dû employer les grands moyens à Tabarre pour traiter presque simultanément 96 patients blessés par balle. Au même moment, nos ambulances ont eu toutes les peines du monde pour atteindre les différents quartiers de la ville en toute sécurité et pour porter secours aux blessés.

Notre collègue a été attaqué sur le chemin du travail

Ugo travaille également dans un hôpital de Médecins Sans Frontières. Un jour,  sur le chemin du travail, il a été arrêté. "Ce ne sont pas que les riches qui sont attaqués, mais des gens ordinaires comme moi qui essaient de subvenir aux besoins de leur famille". Ils ont volé tout ce qu'il avait sur lui alors qu'il était tenu en joue avec une arme de gros calibre. "Je pensais que j'allais mourir. J'avais vraiment l'impression d'être leur ennemi. Mais ils m'ont laissé partir. Dans les rues, nous voyons des choses horribles tous les jours, des gens qui sont tués ou même qui sont brûlés."

ilustratie MSF
Un patient pris en charge dans l'un de nos hôpitaux © illustration MSF 2022

Le stress au quotidien est vraiment épuisant

Ugo est également père célibataire de quatre enfants, son plus jeune a 10 semaines. Si quelque chose devait lui arriver, il mettrait également sa famille en danger. Chaque jour, il part au travail avec cette idée en tête.  "J'arrive souvent en retard, parfois parce que je n'arrive pas à passer à travers les tirs. Cela nous affecte non seulement physiquement et mentalement par le stress quotidien, mais aussi financièrement. C'est épuisant."

De plus en plus de personnes fuient

"Il n'y a plus de jeunes dans mon quartier", dit Ugo. De plus en plus de personnes quittent Haïti, à la recherche d'une vie plus sûre. Morjorie, qui travaille également pour MSF, connaît une femme de 50 ans qui a dû abandonner sa belle maison et son jardin à Tabarre et vit désormais aux États-Unis sans papiers et dans une pauvreté totale. "Elle a fermé la porte de la maison derrière elle et n'est jamais revenue." Ugo et Morjorie ont le même rêve pour leurs enfants, celui de pouvoir terminer leurs études en toute sécurité dans un autre pays, loin de l'horrible violence et de la pauvreté. "Mais je veux rester dans mon pays", dit Ugo. Je veux rester ici parce que j'ai la foi qu'un jour la vie changera."

 

* Tous les noms ont été changés