Surpopulation dans le camp de réfugiés de Moria
Les plus vulnérables doivent être évacués d'urgence
La Grèce est la principale porte d’entrée des personnes qui tentent d’atteindre l’Europe via la Turquie. De nombreux réfugiés et migrants traversent le continent turc en bateau vers les îles grecques voisines, en mer Égée. Lorsqu’ils échouent, ils sont détenus par les autorités. La plupart d’entre eux fuient la guerre et la violence, en provenance de pays comme la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, la République démocratique du Congo ou l’Iran.
Depuis l’accord sur l’immigration entre la Turquie et l’Union européenne (UE) en mars 2016, des réfugiés et migrants en transit par la Grèce sont retenus sur des îles dites « hotspot »*. Là-bas, ils sont obligés d’attendre l’aboutissement de leur procédure d’asile. Ils ne peuvent pas quitter l’île tant que la procédure est en cours. Entre-temps, l’afflux de nouveaux réfugiés ne s’arrête pas. Les îles deviennent surpeuplées.
À Lesbos, le plus grand des hotspots, il y a 11 000 personnes, la plupart dans le camp de réfugiés de Moria. Certains y sont coincés depuis des mois, d’autres depuis plus d’un an.
Ce camp a une capacité maximale de 3100 personnes. Avec plus de 9000 personnes qui y vivent, le camp déborde. Les conditions de vie épouvantables contribuent à une détérioration considérable de leur santé physique et mentale.

Les nombreux nouveaux arrivants sont hébergés dans l’« Oliveraie », une extension improvisée du camp. Souvent, ils n’ont pas d’abri et manquent des besoins élémentaires les plus fondamentaux. Près de la moitié des demandeurs d’asile à Moria vivent dans des tentes en attendant une réponse à leur demande d’asile.
Chaque jour, les équipes de Médecins Sans Frontières voient arriver des patients souffrant d’infections cutanées graves et douloureuses. C’est une conséquence directe de l’hygiène insuffisante. Parfois, les gens doivent faire la file deux ou trois heures pour recevoir de la nourriture. Ces conditions de vie atroces mettent en danger la santé et la vie de ces personnes.
Il y a aussi des déficits récurrents au niveau du personnel de santé qui est essentiel. De nombreux hommes, femmes et enfants ont peu ou pas du tout accès aux soins les plus élémentaires.
Cette situation insoutenable entraîne une escalade de tensions et du désespoir parmi les migrants et les réfugiés. La situation à Moria devient de plus en plus dangereuse, surtout pour les enfants. Alors que plus de la moitié de la population du camp est composée de femmes et d’enfants.
MSF gère deux cliniques à Lesbos :
- à Mytilini, nous gérons une clinique de santé mentale depuis octobre 2016. Elle se concentre sur les soins médicaux et mentaux destinés aux victimes de torture, de violence et de violence sexuelle.
- à Moria, nous gérons une clinique pédiatrique depuis novembre 2017. En plus des soins médicaux essentiels pour les enfants, nous nous concentrons sur les soins en santé mentale pour les mineurs et la santé génésique et sexuelle. Nous soignons les traumatismes causés par la violence dans le pays d’origine, au cours de leur voyage ou en Grèce même.

Depuis 2015, Médecins Sans Frontières appelle à l’évacuation d’urgence des plus vulnérables vers un hébergement sûr sur le continent grec ou dans l’Union européenne (UE).
Les autorités grecques et l’UE doivent assumer leurs responsabilités et proposer conjointement une solution durable à cette situation.
Il faut mettre un terme à ce cycle sans fin de décongestions d’urgence et aux terribles conditions dont nous continuons à être témoins à Moria.
En 14 ans d’expérience en tant que psychiatre clinicien, je n’ai jamais été témoin d’un nombre aussi important de personnes souffrant de problèmes de santé mentale aussi graves, comme je le constate actuellement chez les réfugiés de l’île de Lesbos. La grande majorité des personnes que je vois présentent des symptômes psychotiques, des pensées suicidaires - même des tentatives de suicide - et sont désorientées. Beaucoup sont incapables d’accomplir les fonctions les plus élémentaires, telles que dormir, bien manger, maintenir leur hygiène personnelle et communiquer. Parmi les demandeurs d’asile, il y a des personnes qui ont été sujettes à des formes extrêmes de torture et de violence, à la fois dans leur pays d’origine et au cours de leur voyage. Ils ont été gravement traumatisés, mentalement et physiquement. Sur leur île prison de Lesbos, ils sont forcés de vivre dans un contexte qui favorise la violence sous toutes ses formes - y compris la violence sexuelle et sexiste qui affecte les enfants et les adultes. Cette violence constante joue un rôle récurrent dans l’apparition de symptômes psychiatriques graves. L’augmentation du nombre d’arrivées que nous voyons actuellement sur l’île, combinée au taux anormalement bas de départ vers le continent, aggrave davantage ces conditions. Elle contribue aussi au fardeau croissant de santé mentale de ces personnes.

Alessandro Barberio
Psychiatre clinicien pour MSF dans le camp de réfugiés de Moria
Chaque semaine, les équipes de MSF voient plusieurs cas de tentatives de suicide et d’automutilations et font face à de nombreux incidents critiques qui résultent de la violence, de l’automutilation infantile et du manque d’accès aux soins médicaux d’urgence.
Ces enfants viennent de pays en guerre, où ils ont connu la violence extrême et des traumatismes. Plutôt que de recevoir des soins et une protection en Europe, ils subissent à la place en permanence la peur, le stress et des épisodes de violence, y compris des violences sexuelles.

De plus, l’environnement est dangereux et insalubre. Comme résultat, nous constatons de nombreux cas de diarrhée récurrente et d’infections cutanées chez les enfants de tous âges. À ce niveau de surpeuplement et d’insalubrité, le risque d’épidémie est très élevé.