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Lisez notre rapport : il faut une approche globale pour accompagner les survivantes de violences sexuelles en RDC

Année après année, nos équipes sont témoins de l'ampleur et de l'impact des violences sexuelles en République démocratique du Congo. Rien qu'en 2020, nos équipes ont aidé plus de 10 000 survivants de violences sexuelles à travers le pays. Il est urgent que les autorités congolaises mettent les violences sexuelles à l'ordre du jour et les reconnaissent comme une urgence. Lisez notre rapport complet ici.

Salamabila est une ville de 71 000 habitants, située dans la région minière de la province du Maniema, en République Démocratique du Congo (RDC). La prévalence des violences sexuelles y est alarmante : en moyenne, MSF accueille 120 à 150 patients chaque mois dans les structures sanitaires du Ministère de la Santé que l’organisation appuie. 221 personnes sont venues en consultation au cours du seul mois de mars 2021.

Pour venir en aide à ces survivantes, qui font face à des discriminations graves, un programme décentralisé innovant a été mis en place par: 18 agents de santé reproductive travaillent directement dans les communautés pour identifier et accueillir les personnes ayant subi ce type de violence. En plus de sensibiliser à cet énorme problème social, les agents de santé sont prêts à prodiguer les premiers soins essentiels dans les 72 heures suivant les violences. Avec des soins et des médicaments appropriés, il est possible d'éviter les infections sexuellement transmissibles et autres ainsi que les grossesses non désirées.

Dans les cas où les soins nécessaires, tant médicaux que psychologiques, sont plus complexes, les patients sont référés à l'hôpital régional de Salamabila. Là, l'une des premières personnes qu'ils rencontrent est l'infirmière Jeanne Musaganwa Mwavita. Maman Jeanne, comme tout le monde l'appelle, travaille à MSF depuis plus d'une décennie dans le cadre du projet sur la santé reproductive des femmes, en particulier des survivantes de violences sexuelles. « Dans la plupart des cas, les femmes sont allées travailler dans les champs et ont trouvé des hommes armés. Après, il leur est très difficile d'avoir le courage de retourner dans leurs champs pour subvenir à leurs besoins », explique-t-elle. « C'est pourquoi il est important que nous examinions non seulement leur santé physique mais aussi leur santé mentale », conclue-t-elle.

Deux psychologues font partie de l'équipe MSF à Salamabila. Souvent, leur travail va au-delà de l'accueil des victimes : les familles ont également besoin de soutien pour faire face aux profonds traumatismes qui surviennent après la violence.

Dit is F.H. Zij overleefde seksueel geweld in 2018 en werd opgenomen in ons programma in Salamabila.
Voici F.H. Elle a survécu à des violences sexuelles en 2018 et a été incluse dans notre programme à Salamabila. © Carl Theunis, 2018.

Personne ne sort indemne

Nombreuses sont les femmes qui, après le viol, sont rejetées par leur mari et leur communauté et perdent de facto tout moyen de subsistance, ce qui entraînent de lourdes conséquences sur leur vie quotidienne et des séquelles profondes sur le long terme.

À Kananga, dans la province du Kasaï, le superviseur de santé mentale de la clinique de MSF, Corneille Kangangila, explique l'ampleur du problème. « Souvent, la patiente ne souffre d'aucune pathologie mais affirme avoir 'mal partout'. Pour nous, c'est une porte d'entrée pour démarrer une prise en charge psychologique », explique-t-il.

À Kananga, MSF gère une clinique spécialisée qui offre des soins gratuits aux survivants de violences sexuelles, y compris en santé mentale. « Le niveau des violences subies ; l'ampleur des traumatismes provoqués non seulement par le viol lui-même mais aussi par le rejet de la personne qui en est victime sont tels que l’on ne sort pas indemne de telles consultations », résume Kangangila, soulignant l'impact que les violences sexuelles ont sur l'ensemble de la société, y compris sur les professionnels de santé.

« Le traitement médical est le plus urgent mais n’est pas le seul soutien dont les survivants de violences sexuelles ont besoin. Bien sûr, le premier endroit où se rendre est l'hôpital, afin de recevoir les premiers soins et le plus rapidement possible, mais aussi pour avoir accès à un soutien en santé mentale de plus longue durée », explique Marlène Minbie, une doctoresse généraliste, détachée du Ministère de la Santé à la clinique MSF de Kananga. « Je rappelle à tout le monde autour de moi, y compris à la police, que l'important est d'abord de guider le patient vers une prise en charge médicale urgente. Certains cherchent avant tout une réponse juridique et sociale, ce qui est compréhensible : ils veulent en premier lieu se protéger », ajoute-t-elle.

Léonie connaît bien cette situation. Elle a été violée par des hommes armés devant son mari et ses six enfants. « Je ne suis plus la même aujourd'hui. Après cela, mon mari m'a répudiée et nous a chassés de la maison, les enfants et moi. Cela fait trois mois que je vis chez des parents », explique-t-elle. Elle a trouvé le courage de se rendre à la clinique des semaines après le viol. Aujourd'hui, elle vend tout ce qu'elle peut le long de la route pour gagner un peu d'argent pour elle et ses enfants. De nombreuses femmes qui ont subi le même type de violence ne trouvent même pas d'endroit où s'abriter et dépendent de programmes destinés à aider les survivants. Cependant, en l’absence de financements réguliers pour maintenir ces appuis, le soutien attendu n’arrive que rarement. 

En 2020, le personnel médical et de santé mentale de MSF a accompagné 10 810 survivants de violences sexuelles dans 22 projets gérés par l'organisation en RDC. Parmi les personnes assistées, 98% étaient des femmes et 62% ont demandé de l'aide dans les 72 premières heures, avec des différences significatives selon les régions. Face à l’urgence médicale que constituent les violences sexuelles, MSF appelle tous les acteurs – bailleurs de fonds, autorités nationales et régionales, organisations non-gouvernementales – d’augmenter d’avantage l’assistance médicale de qualité et gratuite incluant une prise en charge médicale et psychologique complète. Si l'intervention médicale d'urgence reste prioritaire, il est essentiel de renforcer les activités de prévention, y compris celles portant sur l’intimidation et les risques de représailles à l’encontre des survivantes.  L’accès à des services de protection et/ou juridiques doit faire partie du programme de prise en charge. Enfin, des activités de soutien socio-économique et de réintégration efficaces et durables doivent y être intégrées pour soutenir les survivantes confrontées à l'exclusion sociale ou aux difficultés financières qu’a générées l’agression.

Sans une approche globale des conséquences dévastatrices des violences sexuelles sur les personnes qui en sont victimes, elles continueront, ainsi que la société congolaise, à subir cette double peine.