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Bangladesh : un million de consultations médicales pour les réfugiés rohingyas

En août 2017, plus de 700 000 réfugiés rohingyas fuyant la violence au Myanmar pour se mettre en sécurité au Bangladesh ont rejoint ceux qui avaient déjà quitté le pays. Aujourd'hui, près d'un million de réfugiés rohingyas vivent dans des camps et des campements de fortune dans la péninsule de Cox's Bazar, au Bangladesh. Entre les mois d’août 2017 et décembre 2018, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont réalisé un million de consultations médicales pour les réfugiés et la communauté locale.

Voici en cinq points, les constats de nos équipes et les problématiques sur lesquelles nous allons concentrer nos efforts à l’avenir.

1. Les principales maladies sont dues aux mauvaises conditions de vie des populations

Un enfant marche sur un sentier surélevé renforcé par des sacs de sable dans le camp d’Unchiprang, à Cox’s Bazar, au Bangladesh. © Daphne Tolis, juillet 2018
Un enfant marche sur un sentier surélevé renforcé par des sacs de sable dans le camp d’Unchiprang, à Cox’s Bazar, au Bangladesh. © Daphne Tolis, juillet 2018

Près de 9% (92 766) de nos 1,05 million de consultations concernaient des cas de diarrhée aiguë dont la plupart touchait des enfants de moins de cinq ans, particulièrement vulnérables à cette maladie à laquelle ils peuvent succomber si elle n'est pas traitée. Bien que les cas graves soient hospitalisés, la plupart des gens peuvent rentrer chez eux une fois bien réhydratés.

La diarrhée est liée aux mauvaises conditions de vie dans les camps surpeuplés. Souvent, les réfugiés vivent avec de nombreux membres de leur famille dans de petits abris façonnés à l’aide de bambous et de bâches plastiques. L'eau potable et des latrines bien entretenues sont des facteurs clés de prévention de la diarrhée. Les activités de promotion de la santé se portent ainsi sur l'amélioration de l'hygiène.

Les mauvaises conditions de vie sont également à l'origine des principales autres maladies que nous soignons. Il s'agit des infections des voies respiratoires supérieures et inférieures, des maladies de la peau et des fièvres d'origine inconnue, qui peuvent être difficiles à diagnostiquer lorsque les services de laboratoire ne sont pas nécessairement disponibles.

Les personnes qui vivent dans les camps ont besoin de davantage d'espace. Cela atténuerait la propagation de certaines infections virales. Le simple fait de se laver les mains avec de l'eau et du savon aiderait à prévenir bon nombre d’infections cutanées que nous soignons, comme les champignons et la gale. Mais quand on vit dans un camp de réfugiés où l'eau potable se fait rare, se laver les mains n'est pas si commun. C'est pourquoi les activités liées à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement ont constitué une part importante du travail de MSF. À ce jour, les équipes ont distribué 87,8 millions de litres d'eau potable dans les camps.

2. Malgré les campagnes de vaccination, le risque d'épidémies est toujours présent

Le personnel de MSF administre un sérum antidiphtérique (DAT) à un jeune patient au centre de traitement de la diphtérie à Moynarghona. © Anna Surinyach, janvier 2018
Le personnel de MSF administre un sérum antidiphtérique (DAT) à un jeune patient au centre de traitement de la diphtérie à Moynarghona. © Anna Surinyach, janvier 2018

Dans les premiers mois de l’urgence, les organisations médicales et le ministère bangladais de la Santé ont répondu à diverses épidémies – résultant de la faible couverture vaccinale et de l’accès limité aux vaccinations de routine et aux soins de santé pour les réfugiés rohingyas dans l’État de Rakhine, au Myanmar. Depuis août 2017, les équipes de MSF ont soigné 6547 personnes atteintes de diphtérie et 4 885 personnes atteintes de rougeole. Bien que celles-ci représentent à peine 1% de l'ensemble de nos consultations, la réponse rapide à ces épidémies a été cruciale. Depuis, plusieurs campagnes de vaccination contre la diphtérie, la rougeole et le choléra ont été menées.

Dans toute situation d'urgence impliquant un déplacement massif de populations, la première chose est de vacciner contre la rougeole car il s'agit d'une maladie récurrente. L’émergence de la diphtérie était plus complexe car les épidémies sont rares et la plupart du personnel médical MSF a dû apprendre à la soigner.

Aujourd'hui, les personnes qui vivent dans les camps sont mieux protégées contre les épidémies et nos équipes continuent d’organiser des vaccinations de routine mais le risque existe toujours. Ces dernières semaines, par exemple, les équipes ont soigné plusieurs centaines de cas de varicelle, une maladie rare en Asie du Sud et qui peut entraîner des complications pour les femmes enceintes ou lorsque la personne qui l'attrape souffre déjà d'autres maladies.

3. Avec un avenir si incertain, les soins de santé mentale sont essentiels

Une réfugiée rohingya dans le camp de Jamtoli, où plus de  50 000 personnes habitent. © Anna Surinyach, janvier 2018
Une réfugiée rohingya dans le camp de Jamtoli, où plus de  50 000 personnes habitent. © Anna Surinyach, janvier 2018

La plupart des Rohingyas ont vécu des évènements traumatisants. Beaucoup ont souffert ou ont été témoins de violence et ont perdu des parents et amis proches. Un très grand nombre de personnes aimerait rentrer chez elles mais ce n’est pas possible. Elles se sentent donc désespérées. Depuis le tout début, fournir des soins de santé mentale a été une priorité. Les consultations en santé mentale représentent 4,7% (49 401) des consultations dispensées par MSF.

Beaucoup de personnes ne sont pas au courant des soins de santé mentale disponibles et venir se faire soigner est parfois stigmatisé. Les équipes ont donc dû informer les personnes des services proposés et continuent à le faire. Elles organisent des séances individuelles et de groupe, font de la stimulation psychosociale pour les enfants malnutris et soignent des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Cela semble les aider : les taux d’abandon sont bas et les nombres de sorties de l’hôpital élevés, ce qui signifie une amélioration de la santé mentale des personnes.

4. Les besoins ne sont toujours pas satisfaits pour les maladies chroniques et les soins obstétriques

Rozia et son fils de deux ans, Zubair, sont à l'hôpital MSF de Goyalmara. De nombreux enfants admis à l'hôpital ont contracté des infections résultant d'accouchements peu hygiéniques et des conditions de vie insalubres dans le camp au cours de leurs premiers jours de vie. © Pablo Tosco/Angular, avril 2018
Rozia et son fils de deux ans, Zubair, sont à l'hôpital MSF de Goyalmara. De nombreux enfants admis à l'hôpital ont contracté des infections résultant d'accouchements peu hygiéniques et des conditions de vie insalubres dans le camp au cours de leurs premiers jours de vie. © Pablo Tosco/Angular, avril 2018

Les maladies chroniques comme le diabète et l'hypertension sont courantes chez nos patients, en particulier les personnes âgées. Pourtant, il s'agit là d'un besoin important qui n'est pas pris en charge comme il devrait l’être. Lorsque nous recevons des patients qui nécessitent un traitement urgent pour des maladies chroniques, les équipes de MSF se chargent de les stabiliser puis les orienter vers une autre organisation médicale pour des soins de longue durée. Chez les enfants, la thalassémie, une maladie congénitale difficile à soigner et qui requiert des transfusions sanguines, est également très répandue.

Contrairement à ce qui se passe dans d'autres contextes où MSF travaille, les accouchements ne représentent qu'une faible proportion de nos consultations - le personnel de santé de MSF n’a assisté que 2192 naissances. C'est parce que la plupart des femmes choisissent de ne pas accoucher à l'hôpital. Habituellement, elles donnent naissance à domicile, en présence d'accoucheuses traditionnelles, comme elles l'ont fait au Myanmar. Mais quand la maison est un abri rudimentaire dans un camp surpeuplé, la situation devient invivable. Ces femmes qui viennent à l'hôpital pour accoucher arrivent souvent très tard, sans avoir bénéficié de soins prénatals au préalable. Les consultations prénatales ne représentent que 3,36 % (35 392) du total des consultations. Par conséquent, le personnel médical voit souvent des femmes en état de prééclampsie, d'éclampsie, de travail prolongé et de placenta retenu.

5. D’une situation d’urgence à une crise qui se prolonge

Des patients attendent une consultation au centre de santé primaire de MSF à Jamtoli. © Anna Surinyach, janvier 2018
Des patients attendent une consultation au centre de santé primaire de MSF à Jamtoli. © Anna Surinyach, janvier 2018

Au début de cette intervention d'urgence, les équipes ont soigné des personnes pour des blessures liées à la violence qu’elles avaient subie au Myanmar. Des soins de santé de base étaient également indispensables. Aujourd'hui, les patients que nous soignons pour des blessures dues à la violence sont les plus souvent causées lors d'incidents dans la communauté ou dans la famille et lors d'actes de violence sexuelle. Les principaux besoins concernent les soins de santé secondaire, dont les maladies non transmissibles. Comme au début de l'urgence, même si maintenant ce sont des raisons différentes, la violence sexuelle reste une priorité majeure. Un certain nombre de femmes arrivent dans nos structures avec des infections sexuellement transmissibles qui n'ont pas été traitées depuis très longtemps.

La présence continue de MSF à Cox's Bazar entraîne également une augmentation des consultations pour les membres de la communauté locale bangladaise, en particulier dans les centres de santé qui ne sont pas situés au milieu des camps.