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Le VIH en République centrafricaine : une situation plus qu'alarmante

Selon l’ONU, près de 38 million de personnes dans le monde vivent avec le VIH/SIDA, dont plus de deux-tiers en Afrique sub-saharienne. Bien que la République centrafricaine (RCA) soit considérée comme un pays à faible prévalence du VIH comparé à beaucoup de pays de l’Afrique australe, la situation y est particulièrement critique.

Cela est notamment dû à une pauvreté extrême, des violences généralisées et un manque drastique de structures de santé et de personnel soignant. A cela s’ajoutent des problèmes persistants d’approvisionnement en médicaments antirétroviraux et aux nombreuses barrières au dépistage précoce et à la prise en charge médicale de la population centrafricaine. 

Résultat : le VIH reste l’une des principales causes de décès dans le pays. L’année dernière, près de 4 800 personnes sont mortes du VIH/SIDA en RCA, et pas moins de 5500 personnes sont confirmées séropositives chaque année.

Un cocktail fatal d’obstacles

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Josiane Wonzou, infirmière MSF, mesure Edith au sein du Centre Hospitalier universitaire Communautaire (CHUC) de Bangui, où MSF dirige l'unité VIH. Edith a des palpitations cardiaques depuis une semaine, et vomit constamment depuis deux jours. Elle a eu peur et est venue à l'hôpital.  © Adrienne Surprenant/Collectif, novembre 2020.

« Bien que la RCA ait la plus forte prévalence du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre, moins de la moitié des 110 000 personnes séropositives sont sous traitement antirétroviral », explique Laurent Lwindi Mukota, conseiller médical VIH chez MSF. « La situation est d’autant plus alarmante pour les enfants. Moins d’un quart des moins de 15 ans qui connaissent leur statut sont sous traitement. »

Marquée par la plus faible espérance de vie au monde et en proie depuis des années à des conflits et à l’insécurité, la RCA est extrêmement dépendante de financements internationaux insuffisants pour répondre à la problématique du VIH. Parmi le faible nombre de structures de santé dans le pays, bien peu offrent des tests de dépistage du VIH et la prise en charge associée. Beaucoup de personnes vivant avec le VIH doivent donc faire de longs et dangereux trajets afin de trouver une clinique assurant les services adéquats. Les patients qui réussissent à les atteindre font parfois face à des ruptures de stocks, rendant une prise régulière du traitement antirétroviral (ARV) impossible.

« Dans un pays où la plupart des gens vivent avec moins de 2 dollars par jour, les barrières financières à l’accès aux soins aggravent cette situation », dit Marie Charlotte Bantah Sana, directrice du programme de lutte contre les maladies transmissibles au Ministère de la Santé et de la Population. « La majorité des gens doivent payer pour se faire dépister, puis encore payer de nombreux autres tests avant de pouvoir commencer un traitement. De ce fait, 30% des patients invités à faire une évaluation avant le traitement ne reviennent pas pour le prendre. »

Si l’on ajoute à ce cocktail d’obstacles l’arrêt des tests VIH volontaires gratuits par manque de financement, le manque d’information général sur la maladie et la stigmatisation encore forte à l’encontre des personnes séropositives, on comprend aisément pourquoi près de deux-tiers des personnes diagnostiquées séropositives sont déjà entrées dans un stade avancé de la maladie lorsqu’elles commencent leur traitement.

Soutenir les patients vivant avec le VIH au stade avancé

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 « Un jour, j’étais à l’hôpital pour accompagner un proche quand j’ai commencé à avoir de la fièvre et les symptômes du paludisme. L’équipe médicale m’a proposé de faire le test du VIH. C’est ainsi que je l’ai découvert. On m’a immédiatement mise sous traitement. Il y a quelques jours, j’ai été de nouveau conduite à l’hôpital parce que je suis encore tombée malade. On s’occupe de moi, et je commence à me remettre petit à petit », confie Reine âgée de 34 ans, veuve et mère de deux enfants.  © Marco  Scardovi/Collectif, octobre 2020.

C’est dans cet environnement critique que MSF étroitement avec le Ministère de la Santé et de la Population ainsi que d’autres organisations afin de faciliter l’accès au dépistage, au traitement et à la prise en charge médicale.

A Bangui, la capitale de la Centrafrique, la prévalence du VIH est deux fois plus élevée que la moyenne nationale. Depuis la fin de l’année 2019, nos équipes sont les seules à apporter un soutien médical et psychologique gratuit aux patients qui vivent avec le VIH avancé, souvent co-infectés par la tuberculose. Un an après le démarrage de notre projet au Centre Hospitalier Universitaire Communautaire de Bangui, 1851 patients ont déjà été admis pour un traitement contre le VIH, dont 558 patients nouvellement diagnostiqués.

En dehors de Bangui, MSF dispense également des soins aux patients vivant avec le VIH avancé dans les villes de Paoua, Carnot, Kabo et Batangafo.

Un accès au traitement facilité par les groupes d’entraide

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Réunion d'un groupe d'accès communautaire à Boguila. © Marcel-Philipp Werdier/MSF, février 2019.

Afin de faciliter l’accès des patients au traitement, nous avons mis en place 276 groupes d’accès communautaires aux ARV (« CAG ») à Bambari, Batangafo, Bossangoa, Boguila, Carnot, Kabo, Paoua et Zemio. Grâce à ce système, qui jusqu’à présent a touché près de 2300 patients, des groupes de patients séropositifs en état stable désignent un de leurs membres pour aller collecter les doses de médicaments du groupe entier pour les mois à venir, réduisant ainsi le coût de transport et le temps passé aux consultations médicales.

En plus de rendre le traitement plus accessible, ce système de soutien mutuel aide aussi les patients à participer plus activement à leur traitement. Cette approche CAG se révèle très efficace dans la poursuite des traitements, notamment dans des contextes difficiles voire dangereuses comme en RCA où la violence peut rendre les déplacements risqués. Et ce type d’initiative communautaire s’est révélé d’autant plus important cette année dans le contexte de la COVID-19, où l’accès aux structures de santé fut fortement perturbé, notamment par le renforcement des mesures de prévention et de contrôle des infections nécessaires pour prévenir la propagation du virus. 

En 2019, 6600 personnes vivant avec le VIH avaient accès au traitement ARV via les structures de santé que nous soutenons en RCA. Un travail conséquent et davantage d’investissements doivent continuer à être engagés afin de s’assurer que les tests et traitements contre VIH soient gratuits et accessibles par toutes et tous.